La conjuration des imbéciles

John Kennedy Toole

10/18

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Le pitch

À trente ans passés, Ignatus vit encore cloîtré chez sa mère, à La Nouvelle-Orléans.

Harassée par ses frasques, celle-ci le somme de trouver du travail. C’est sans compter avec sa silhouette éléphantesque et son arrogance bizarre…

Chef-d’oeuvre de la littérature américaine, La Conjuration des imbéciles offre le génial portrait d’un Don Quichotte yankee inclassable, et culte.

Mon avis

Passer des heures (ou plutôt : des pages) à vous convaincre de vous précipiter sur ce roman unique serait inutile.

Sachez juste, s'il vous ne l'avez pas déjà découvert auparavant par vous-même - ce qui ne doit pas être le cas car, si vous lisez ce commentaire, c'est que vous n'aviez pas jusqu'à maintenant entendu parler de ce livre, sinon pourquoi perdre votre temps ? - que ce texte possède une "signature" d'édition unique dans la littérature.

L'éditeur Walter Percy reçoit, en 1976, une femme qui l'exhorte à lire le manuscrit posthume écrit par son fils avant son suicide à l'âge de 31 ans, persuadé de son absence de talent littéraire.

Un peu contre son gré, il plonge dans cet énorme roman (500 pages ultra serrées en édition poche) et découvre, totalement ahuri, qu'il s'agit d'une oeuvre majeure, inclassable.

Le livre est publié, devient un succès phénoménal et... remporte le prix Pulizer en 1981 !

La conjuration des imbéciles tourne autour d'un personnage abracadabrant, unique, énorme - dans tous les sens du terme : Ignatius Reilly.

Pour saisir tout de suite le personnage, comprendre les fondements de sa personnalité, et appréhender de surcroît en quelques lignes le style époustouflant de l'auteur, je ne peux que vous inciter à lire l'incipit du roman, que je recopie ci-dessous (ce que je ne fais jamais sur ce site, par principe, profitez donc de cet exception !) :

"Une casquette de chasse verte enserrait le sommet du ballon charnu d'une tête. Les oreillettes vertes, pleines de grandes oreilles, de cheveux rebelles au ciseau et des fines soies qui croissaient à l'intérieur même desdites oreilles, saillaient de part et d'autre comme deux flèches indiquant simultanément deux directions opposées. Des lèvres pleines, boudeuses, s'avançaient sous la moustache noire et broussailleuse et, à leur commissure, s'enfonçaient en petits plis pleins de désapprobation et de miettes de pommes de terre chips.

A l'ombre de la visière verte, les yeux dédaigneux d'Ignatius J. Reilly dardaient leur regard bleu et jaune sur les gens qui attendaient comme lui sous la pendule du grand magasin D.H. Holmes, scrutant la foule à la recherche des signes de son mauvais goût vestimentaire. Plusieurs tenues, remarqua Ignatius, étaient assez neuves et assez coûteuses pour être légitimement considérées comme des atteintes au bon goût et à la décence. La possession de tout objet neuf ou coûteux dénotait l'absence de théologie et de géométrie du possesseur, quand elle ne jetait pas tout simplement des doutes sur l'existence de son âme.

Ignatius, quant à lui, était confortablement et intelligemment vêtu. La casquette de chasseur le protégeait des rhumes de cerveau. Son volumineux pantalon de tweed était durable et permettait une liberté de mouvement peu ordinaire. Ses plis et replis emprisonnaient des poches d'air chaud et croupi qui mettaient Ignatius à l'aise. Sa chemise de flanelle à carreaux rendait inutile le port d'une veste et le cache-nez protégeait ce que Reilly exposait de peau entre col et oreillettes. La tenue était acceptable au regard de tous les critères théologiques et géométriques, aussi abstrus fussent-ils, et dénotait une riche vie intérieure."

Voilà. Les 500 pages qui suivent sont du même acabit.

Un feu d'artifice de personnages étranges, cocasses, improbables, de très nombreux dialogues what the fuck, de gigantesques éclats de rire permanents, votre esprit choqué et entrechoqué par l'absurdité des rapprochements improbables qui auraient fait de Toole un des maîtres du surréalisme.

C'est selon moi un chef d'oeuvre mais - attention ! - certains ne seront pas d'accord : les parti-pris extrêmes de l’auteur peuvent choquer, interloquer, déranger, laisser de marbre (rayer les mentions inutiles) une bonne partie de ses lecteurs qui trouveront le texte tout aussi grotesque que le personnage principal.

Mon conseil : il faut le lire et, si vous l'avez adoré, l'offrir, et en mettre un exemplaire dans votre bibliothèque.

Pour le lire à nouveau, dans quelques années : il y a de la matière pour plusieurs lectures !

 

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