La mort est mon métier

Robert Merle

Folio

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Le pitch

«Le Reichsführer Himmler bougea la tête, et le bas de son visage s'éclaira...

- Le Führer, dit-il d'une voix nette, a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe. Il fit une pause et ajouta :

- Vous avez été choisi pour exécuter cette tâche.

Je le regardai. Il dit sèchement :

- Vous avez l'air effaré. Pourtant, l'idée d'en finir avec les Juifs n'est pas neuve.

- Nein, Herr Reichsführer. Je suis seulement étonné que ce soit moi qu'on ait choisi...»

Mon avis

La mort est mon métier est le deuxième roman de Robert Merle consacré à la seconde guerre mondiale.

Trois ans après Week-end à Zuydcott, prix Goncourt 1949, qui racontait de manière très factuelle la vie au quotidien (si ce terme à un sens dans ce contexte) des combattants, ce nouveau roman est rédigé dans une intention totalement différente.

Les pseudo-mémoires d'un allemand, devenu SS, pour finir commandant du camp d'Auschwitz, forment un récit glaçant, sidérant le lecteur car l'auteur ne cherche pas à condamner, il cherche à comprendre.

Comprendre comment un homme comme les autres, a pu devenir ce monstre absolu qui applique des instructions aberrantes et n'en conçoit pour autant aucun remord.

Pour bien appréhender l'intention de l'auteur, je ne vois pas mieux que de citer longuement (pour une fois), la préface de la réédition en 1972 du livre qu'il a écrite vingt ans plus tôt :

Il y a bien des façons de tourner le dos à la vérité. On peut se réfugier dans le racisme et dire : les hommes qui ont fait cela étaient des Allemands. On peut aussi en appeler à la métaphysique et s’écrier avec horreur, comme un prêtre que j’ai connu : « Mais c’est le démon ! Mais c’est le Mal !... ».

Je préfère penser, quant à moi, que tout devient possible dans une société dont les actes ne sont plus contrôlés par l’opinion populaire. Dès lors, le meurtre peut bien lui apparaître comme la solution la plus rapide à ses problèmes.

Ce qui est affreux et nous donne de l’espèce humaine une opinion désolée, c’est que, pour mener à bien ses desseins, une société de ce type trouve invariablement les instruments zélés de ses crimes.

C’est un de ces hommes que j’ai voulu décrire dans La Mort est mon Métier. Qu’on ne s’y trompe pas : Rudolf Lang n’était pas un sadique. Le sadisme a fleuri dans les camps de la mort, mais à l’échelon subalterne. Plus haut, il fallait un équipement psychique très différent. Il y eu sous le nazisme des centaines, des milliers, de Rudolf Lang, moraux à l’intérieur de l’immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs « mérites » portaient aux plus hauts emplois.

Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l’impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l’ordre, par respect pour l’Etat. Bref, en homme de devoir : et c’est en cela justement qu’il est monstrueux.

Je pense qu'il n'y a rien à ajouter.

Ce roman est, comme pour beaucoup d'autres œuvres de Robert Merle (à qui je voue une très grande admiration), un très grand livre, que chacun devrait avoir lu un jour.

A offrir à tous les adolescents, notamment, car, paradoxe absolu - c'est le style merveilleux de l'auteur qui le permet - c'est très facile à lire.

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