Délivrances

Toni Morrison

Christian Bourgeois / 10/18

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Le pitch

Bride est une femme magnifique. La noirceur de sa peau lui confère une beauté hors norme.

Pourtant, elle a aussi été un choc à sa naissance pour ses parents. La jeune fille est prête à tout pour gagner l'amour de sa mère, même à commettre l'irréparable.

Au fil des années, Bride connaît doutes, succès et atermoiements. Mais une fois délivrée du mensonge et du fardeau de l'humiliation, elle saura se reconstruire et envisager l'avenir avec sérénité.

Dans son onzième roman, qui se déroule à l'époque actuelle, Toni Morrison décrit sans concession des personnages longtemps prisonniers de leurs souvenirs et de leurs traumatismes, et signe une oeuvre magistrale et puissante.

Mon avis

Petit préalable concernant le titre du roman : comment l'éditeur Christian Bourgeois peut-il justifier la traduction stupide du magnifique titre original - God bless the child - en ce pâteux et sur-signifiant Délivrances ?

Voilà, une fois de plus, le titre d'un roman anglo-saxon sacrifié au nom de... au nom de quoi, nom d'un chien !

Les bras m'en tombe et la colère me monte à la gorge (vous voyez d'ici le résultat !)

Heureusement que la couverture du format, magnifique,rattrape un peu la bévue.

Toni Morrison est une icône (c'est ce que déclare le magazine littéraire sur la 4ème de couverture) : prix Pulitzer, prix Nobel de littérature (une femme ! et une noire !), respectée et honorée par tous et partout.

Et voilà que je découvre un trou dans ma culture littéraire américaine, à la sortie de son tout dernier roman (enfin, c'est une formule de style, je ne veux pas lui porter malheur, elle est vivante et a 86 ans !) ! Commençons donc par la fin, me dis-je, je reviendrai sur mes pas un peu plus tard...

Délivrances est un tout petit roman, 190 pages, mais comme l'auteure l'a rempli !

Bourré jusqu'à la gueule, devrais-je dire, au point que cela déborde de partout ! Des thèmes en veux-tu en voilà, des styles à la pelle, des angles de vue dans tous les directions !

Toni Morrison possède une plume superbe, qu'elle maîtrise avec tant de technicité qu'elle peut changer de style d'un chapitre à l'autre.

Ce qu'elle fait ici, au gré du roman.

Dans la première partie, ce sont quatre narratrices: Sweetness la mère, Bride la fille et personnage central du récit, Brooklyn, l'amie, Sofia, bourreau (ou victime, je vous laisse le découvrir) ?

Dans la seconde, il y a un chapitre en style direct, puis de nouveau deux narratrices.

La troisième partie est constitué d'un long chapitre en style direct, et idem pour la quatrième partie... encadrée de deux courts chapitres où l'on retrouve les narratrices du début.

Mmmm... tout cela fait un peu artificiel, non ? Ou un brin fourre-tout ?

Certes, certes, car cette construction alambiquée eut probablement convenu pour un récit deux ou trois fois plus long, mais là...

Et nous n'abordons ici que la forme.

Car sur le fond, cela grouille littéralement : le racisme, la négritude, les enfants martyrs et la pédophilie, encore et encore (ressassé ad nauseam). Tout cela pour... pour quoi ?

Je ne suis pas certain d'avoir bien compris, car chaque sujet est effleuré, repris, abandonné, pour finalement laisser le lecteur un peu sur le côté de la route.

Hyper réaliste dans la description de la noirceur de l'existence à certains moments (j'ai pensé à plusieurs reprises au grand auteur de roman policier Jim Thompson), le roman bascule parfois, soudain, dans le symbolisme onirique (la régression Benjamin Butonnienne de Bride) tout sauf évident.

Toni Morrison est clairement une auteure talentueuse; mais c'est aussi une universitaire brillante et, comme souvent, les deux ne font pas trop bon ménage.

Un premier contact loin d'être désagréable, mais je n'en suis pas sorti convaincu. Il va falloir que je revienne sur mes pas...

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