Mauvais genre

Chloé Cruchaudet

Delcourt/Mirages

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Le pitch

Pour échapper à la condamnation qui le menace après avoir été jugé déserteur lors de la Grande Guerre, Paul Grappe, marié à Louise Landy, se travestit en femme et devient Suzanne Landgard.

Pendant dix ans, il pousse la dissimulation et le changement d'identité au-delà des genres, prenant plaisir à la bisexualité, à l'échangisme ou au proxénétisme occasionnel.

Et Louise qui suit. Fidèle. Jusqu'à commettre l'irréparable...

Mon avis

Démarche tout à fait atypique dans l'univers de la BD contemporaine, Mauvais genre est un one shot (format A4) de qualité qui, volontairement, ancre son récit dans une temporalité décalée.

Qui, de nos jours, aurait le courage, à l'instar de Chloé Cruchaudet, de se lancer dans une période aussi ingrate que l'après-(première)guerre avec un sujet aussi contemporain (le genre et l'identité) ?

A mon avis, pas grand monde !

Courageuse, donc, la p'tite Chloé (vous permettez que je vous appelle Chloé ?) !

Surtout que l'histoire de cet homme n'est pas franchement drôle.

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Mauvais genre

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Un anti-héros, vraiment pas sympathique, qui glisse peu à peu vers des territoires plein d'ombres, tout en y entraînant en même temps sa compagne.

Cette histoire est même souvent très triste et parfois franchement sordide... et je n'évoque même pas son issue, pour ne pas spoiler.

Mais l'auteure (texte et graphismes) gagne son audacieux pari car elle n'a absolument pas peur de son sujet : elle y va franco, avec une légère couche d'humour qui permet de ne pas sombrer complètement dans le drame social, tel qu'on en écrivait beaucoup il y a un siècle.

J'avoue cependant que je ne serais sans doute pas allé au bout des 160 planches si ma lecture n'avait pas été portée par les graphismes de Chloé Cruchaudet qui m'ont, à chaque page tournée, procuré de nouvelles surprises et des  plaisirs esthétiques renouvelés.

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Mauvais genre

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Quel talent, cette Chloé !

Un trait enlevé, spirituel, des visages qui relèvent presque de l'exercice caricatural à la Daumier.

Mais surtout une mise en couleurs tout dans les gris, les blancs, noirs, bleus très clairs (à l'exception d'une touche de rouge qui revient comme un leitmotiv), avec des vignettes posées, ça et là, sans cadre, dans une disposition sans cesse modifiée.

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Mauvais genre

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Un vrai roman graphique, dans le sens littéral du terme.

Les scènes de nuit, tout particulièrement, sont somptueuses.

Un sujet intriguant, un plaisir des yeux : que demander de plus ? A découvrir.

   

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