Le pitch

« Elle demande de répéter. On demande toujours de répéter, alors qu’en fait on a très bien entendu.

Quelque part dans notre crâne, un globule blanc se lève et pète du coude la vitre à ne casser qu’en cas d’urgence, celle qu’on pensait ne jamais avoir à briser : on sait qu’on devrait déclencher un protocole spécial pour accueillir la nouvelle, sauf que personne n’a été briefé, les stagiaires sont incapables, en plus on est samedi soir les bureaux sont déserts, y’a bien les anciens qui sauraient quoi faire, les vieux neurones du fond là, paniqués en permanence, ils nous ont dit qu’un jour ça pouvait arriver mais on les écoute plus ils radotent tellement, et maintenant qu’on a besoin d’eux putain ils sont où ? Et aussi simplement que ça, une nuit comme les autres devient un Début. »

Histoire du passage à l’âge adulte, histoire d’émotions contraires, Les Vivants est un premier roman à la sincérité désarmante où le drame et la comédie nous illuminent à chaque page.

Mon avis

Les vivants, c'est le (joli) titre du premier roman d'Ambre Chalumeau, 27 ans.

Pourquoi ai-je fait l'acquisition de ce très court récit (300 pages, mais avec une mise en page digne d'un livre d'Amélie Nothomb) ?

Tout simplement parce que je l'ai suivie dans ses chroniques, depuis plusieurs années, dans l'émission Quotidien, de Yann Barthès.

A chaque fois, Ambre Chalumeau parle de l'actualité artistique - et plus particulièrement littéraire - avec une qualité d'écriture alliant humour et pédagogie qui m'a toujours frappée. Quelle maturité impressionnante chez cette jeune femme !

C'est poussé par cette franche admiration que je me suis précipité sur Les vivants, qui faisait l'évènement depuis sa sortie.

Et c'est sans doute pour cette raison que j'ai, rapidement, été confronté à une déception à la hauteur de mes attentes...

Je n'aime pas trop parler des livres qui m'ont déçus, car ce n'est pas mon rôle de dégouter les lecteurs potentiels (sauf quand je tombe sur une vraie arnaque ou une daube manifeste).

Aussi me contenterais je de dire que, si l'intention était bonne, la réalisation ne m'a pas paru assez mature pour le propos.

En fait, Les vivants a été écrit comme le texte des chroniques de l'auteure. Mais ce qui donne un rythme et une vivacité évidentes pour cinq minutes de narration parlée, ne convient pas forcement à un roman de 300 pages.

Quelques exemples ?

Ce roman est quasiment dépourvu de dialogues. Le premier échange de plus de deux lignes se trouve à la page 226, et il n'y en a presque aucun  par la suite.

Que de la narration, qui plus est en style indirect. Cora fait ça, Diane fait si, il lui explique que...

Résultat : impossible de développer une quelconque empathie pour les personnages principaux. Pas d'émotions ressentis, alors que le sujet devrait en faire surgir des tonnes.

Autre exemple : un tic de l'auteure qui, une fois repéré, devient vite insupportable. Ambre Chalumeau, chaque fois qu'elle veut pointer du doigt un mot, une intention, le place sous un projecteur surpuissant en l'écrivant en italique. (Ex : "La réalité ce n'est pas ce qui se passe mais ce qui reste."]

Pour le lecteur, c'est comme si l'auteure soulignait le mot pour être bien sûr qu'il a comprit qu'il était important.

Une fois par page, c'est déjà beaucoup, mais au fil des chapitres (ah, au fait il n'y a pas de chapitres, juste d'innombrables retours à la page...), cela devient un vrai tic, jusqu'à cinq mots en italique dans une page !

Dans ces chroniques, Ambre Chalumeau utilise déjà le même procédé en mettant un accent tonique sur les mots importants. Mais ce qui passe à l'oral n'a pas de sens à l'écrit.

Dernier point : elle adore les métaphores, dont elle tire un vrai effet comique qui, là aussi, fonctionne très bien à l'oral mais qui, multiplié par paquets de dix à l'écrit, fini par fatiguer

Attention : qui aime bien châtie bien, si je signale tous ces problèmes, c'est parce que je pense qu'Ambre Chalumeau possède un talent précoce évident et que, avec le temps et un vrai travail de technique d'écriture, elle deviendra une romancière remarquable.