Lettres choisies

Madame de Sévigné

Folio classique

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Le pitch

Mme de Sévigné est devenue un grand écrivain presque sans le vouloir et sans le savoir.

Ses lettres sont nées de sa conversation, vive, enjouée, coulant de source, dont elle a su conserver, à l'intention de ses correspondants, la succulente spontanéité. Lettres de la ville, lettres de la cour, lettres de Bretagne, lettres au cousin Bussy.

Lettres surtout à sa fille, les plus belles après le départ de Mme de Grignan pour la Provence où son mari était nommé lieutenant-général.

«La passion parle là toute pure», comme aurait dit Alceste et comme le dira un personnage de Proust : «Ce que ressentait Mme de Sévigné pour sa fille peut prétendre beaucoup plus justement ressembler à la passion que Racine a dépeinte dans Andromaque ou dans Phèdre que les banales relations que le jeune Sévigné avait avec ses maîtresses.»

Mon avis

Découvrir, tout jeune, la correspondance de Madame de Sévigné, c'est un exercice périlleux.

C'est aussi souvent une erreur pour un enseignant, un père ou une mère, que de coller un recueil de ses lettres sous les yeux d'un enfant car, presque toujours, celui-ci sera complètement rebuté par l'expérience.

Normal : la lecture en est ardue, tant le style épistolaire d'une noble lettrée du XVII° siècle est éloigné du français contemporain; quant à son contenu, il n'a aucune raison d'intéresser le jeune lecteur qui, la plupart du temps, aura même du mal à comprendre les thèmes développés dans cette correspondance.

C'est donc en lecteur adulte, ou tout du moins vraiment confirmé qu'il faut aborder les rivages de ses missives pour en goûter toute la qualité, toute la finesse et l'esprit. C'était mon conseil du jour.

Ceci posé, quel plaisir de (re)découvrir les subtilités d'une correspondance qui, déjà il y a trois siècles et demi, avait charmé les contemporains de la spirituelle Marquise, qui n'avait pas son pareil pour semer les pages des innombrables missives adressées à ses correspondants (dont, principalement, sa fille Mme de Grignan) de mots d'esprit et de remarques étonnantes.

Son sens de la formule y fait merveille, même s'il est (malheureusement) parfois noyé sous les flots ininterrompus de phrases convenues, telles qu'elles devaient figurer dans toute correspondance à l'époque, tant l'exercice épistolaire était alors codifié.

Au fil des pages, on ne peut être que stupéfié par l'amour hypertrophié que la comtesse portait à sa fille; si l'on devait la croire, elle aurait dû mourir cent fois de chagrin, tant leur éloignement (200 lieues, soit deux bonnes semaines de voyage épuisant) la rendait malheureuse !

Bizarrement, la principale réflexion que je tire de la nouvelle lecture de ces lettres est la vitesse incroyable à laquelle le français écrit évolue depuis des siècles.

350 ans de distance, c'est un monde de différence : différence de style, différence de construction de la phrase, de grammaire. Au point que certaines phrases longues deviennent parfois difficilement compréhensible pour un lecteur contemporain.

Bien entendu, le français de la Marquise est exactement celui de Molière, puisqu'ils sont parfaitement contemporains, mais la langue du dramaturge est plus facile à saisir, car elle est écrite pour être déclamé.

Question : quelle français nos futurs compatriotes écriront-ils à la fin du XXIV° siècle ? Un roman de Virginie Despentes sera-t-il encore compréhensible pour ceux-ci ? Plus : nos compatriotes écriront-ils encore français ?

Après toutes ces question existentielles, je ne peux que conclure en vous incitant à faire un tour du côté de chez la Sévigné. Vous n'êtes pas obligé de tout lire : piochez dans le tas au gré de vos envies, vous en tirez un véritable plaisir de l'esprit !

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