L’orange mécanique

Anthony Burgess

Robert Laffont

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Le pitch

Dans un monde dystopique furieusement proche du nôtre, le jeune Alex s'ingénie à commettre le mal sans le moindre remords : en compagnie de ses drougs, il se livre à la bastonnade, au viol et à la torture sur fond de musique classique. Bientôt incarcéré, il subit un traitement chimique qui le rend allergique à toute forme de violence.

Tout le génie de Burgess éclate dans ce livre sans équivalent, entre roman d'anticipation et conte philosophique. Le romancier, qui fut linguiste et compositeur, réussit en outre le prodige d'inventer une langue, le nadsat, dans laquelle son héros raconte sa propre histoire.

Mon avis

L'orange mécanique (avec un L apostrophe pour commencer) est l'exemple type de roman génial dépassé par son adaptation au cinéma.

Qui ne connait pas le film fabuleux de Stanley Kubrick, qui a marqué son époque à sa sortie, il y a déjà un demi-siècle ?

Et pourtant, le mérite en revient essentiellement à Anthony Burgess car le film "tient" presque entièrement dans le roman !

Dans un univers futur qui ressemble - malheureusement - beaucoup à certains quartiers de notre présent, Alex, le personnage principal du roman balade sa désespérance à coup d'ultra-violence, avec sa bande de copains (aujourd'hui, on dirait son gang).

Il frappe, il boit, il viole, tout ça en écoutant du Beethoven... jouissance extrême.

Dès la première page, le lecteur est saisi à la gorge par le fond du récit (c'est un des premiers grands romans dystopiques, à réserver exclusivement aux adultes, tant il est violent), mais surtout par sa forme.

L'idée géniale d'Anthony Burgess - qui était linguiste avant de mettre à l'écriture - est d'avoir inventé de toutes pièces une novlangue du futur, le nadsat, dans laquelle Alex s'exprime à la première personne.

Un extrait pour bien comprendre l'exercice : "Alors il a joué les gros bras sur la dévotchka, qui n'arrêtait pas de critch critch critch critcher à quatre temps, tzarrible; il lui a fait une clé aux roukeurs par-derrière, pendant que j'arrachais ci et ça et tout et que les autres continuaient à pousser leurs "hah hah hah", et c'étaient des groudnés drôlement chouettes tzarrible qui ont montré alors leur glaze rose, Ô mes frères, tandis que je dénouais les aiguillettes et me préparais au plongeon".

Le nadsat est difficilement compréhensible au début de la lecture, puis le lecteur s'habitue peu à peu, au fur et à mesure qu'il s'éloigne de la réalité et plonge dans cet univers bizarroïde.

Quelle idée géniale !

Quel meilleur moyen de dépayser un lecteur que de lui faire perde ses repères linguistiques, un peu comme s'il se trouvait dans un pays étranger où les habitants s'expriment dans une langue à peine un peu compréhensible  !

La fin du roman est une incitation à la réflexion, acide, amère, sur notre société.

Soigner le mal par le mal ? Quel futur donner à nos banlieues, aux jeunes qui ont décroché ? Un texte déstabilisant, profondément intelligent, qui a marqué l'histoire de la littérature.

Immanquable !

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