Des clairons dans l’après-midi

Ernest Haycox

Actes Sud / Babel

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Le pitch

Dans un coin perdu du Dakota, la jeune Josephine Russel fait la connaissance de l'énigmatique Kern Shafter, aux allures de gentleman, que ronge un lourd secret et un désir de vengeance. Shafter rejoint comme simple soldat le Septième de cavalerie que commande le général Custer.

Histoire d'amour et de vengeance sur fond de la plus célèbre bataille des guerres Indiennes, Little Big Horn, que Haycox retrace avec une extraordinaire lucidité. Un magnifique roman épique et intime, lyrique et précis.

Mon avis

Comme je l'indique par ailleurs sur ce site, Ernest Haycox est un auteur américain ayant vécu très exactement (1899/1950) la première partie du XX° siècle.

Polygraphe assumé (une trentaine de romans, une centaine de nouvelles), il a connu dans son pays une vraie gloire au cours de sa courte vie, porté par les très nombreuses adaptations de ses romans au cinéma, à la grande époque d'Hollywood.

Et en France ? Rien de rien, il a fallu que, ces toutes dernières années, le grand réalisateur Bertrand Tavernier et les éditions Actes sud décident de mettre - enfin ! - en lumière son œuvre, auprès des lecteurs français.

Heureusement, car quel grand écrivain que cet amateur de l'histoire fondatrice des Etats-Unis, dont l'essentiel de l'œuvre se déroule sur toile de fond de la conquête de l'ouest !

Après avoir ouvert la porte de sa bibliographie par le chef-d'œuvre Les fugitifs de l'Alder Gulch, j'ai poursuivi ma visite par le tout aussi brillant, attachant et - il faut le dire ! - génial Le passage du Canyon.

Il ne me restait plus, après ces deux expériences uniques, qu'à plonger dans la lecture de son roman consacré à la bataille de Little big horn, sans doute une des deux ou trois tragédies nationales majeures de l'histoire américaine.

Un gros pavé où Haycox délaisse, pour une fois, la vie des chercheurs d'or, trappeurs, fermiers et autres pionniers de la nouvelle frontière, pour s'attacher à la vie de l'armée américaine.

Les soldats, mais pas que. Car, on a tendance à l'oublier, une armée en mouvement entraine toujours derrière elle un monde complet : famille (femmes et enfants), commerces, maisons de plaisir (jeux et prostituées), logistique (alimentaire et fournitures).

Des clairons dans l'après-midi (titre raté, comme pour les autres récits d'Haycox) parlent donc d'hommes, avant tout.

Du simple soldat jusqu'au général. Ce fameux général Custer, dont Haycox dresse un portrait saisissant de psychopathe, en décortiquant très bien comment sa personnalité égocentrée a provoqué, de facto, la catastrophe du massacre du 7ème de cavalerie par les tribus indiennes, unies enfin pour lutter contre ces menteurs d'américains, incapables de tenir leur parole de paix.

Le roman est brillant, aussi brillant que les autres oeuvres d'Haycox.

La manière dont il traite les scènes d'action est remarquable (je pense notamment à la lutte pour survivre du héros, Kern Shafter, dans une tempête glacée, un blizzard capable de tuer un cheval en deux heures.

Cependant - c'est une de mes deux très légères réserves -, la limite du scénario réside dans le principe même du projet : puisqu'on suit la préparation, puis le déroulement de la célébrissime bataille de Little big horn, on sait forcement comment cela va se finir (très mal !).

Le style est comme toujours impeccable, avec surtout cette faculté unique de faire parler les personnages du roman par phrases courtes, avec des tonnes de non-dit qui amplifient la signification des dialogues.

Autre légère réserve, liée également au principe même du projet : l'absence presque totale de femmes.

Le personnage de Joséphine Russell occupe presque tout le terrain féminin, mais sa personnalité et sa relation avec Kern Russell sont moins fouillées - je dirais même un peu plus stéréotypées - que dans les autres romans d'Haycox, dont la qualité et la subtilité des histoires d'amour sont la grande force.

Malgré ces limites, Des clairons dans l'après-midi est un livre étonnant, surprenant, dont vous ne pourrez faire l'économie de la lecture. Sauf si vous êtes allergiques aux récits de guerre, bien entendu !

       

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