Deux années sur le gaillard d’avant

Richard Henry Dana

Payot

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Le pitch

A dix-neuf ans, Richard Henry Dana, alors étudiant à Harvard, décide de changer de vie. Il s'engage comme simple matelot sur un voilier de commerce à destination de la Californie pour un voyage de deux ans, en passant par le cap Horn. Deux années sur le gaillard d'avant développe certains des thèmes majeurs qui inspireront Herman Melville : le voyage initiatique, la lutte contre les éléments, l'ambiguïté de la vie primitive et sa trompeuse innocence.

Souvent considéré comme le plus beau livre de mer, il a valu à son auteur, dès sa parution en 1840, une célébrité prodigieuse, égale à celle de Dickens, qui l'a installé comme l'un des grands classiques de la littérature américaine du XIXe siècle.

Mon avis

Une ou deux fois par an, j'ai un coup de cœur absolu pour un livre. La plupart du temps, un roman; mais pas toujours : la preuve avec Deux années sur le gaillard d'avant.

Car bien que ce récit soit aussi passionnant que le plus accrocheur des romans d'aventures, ce très épais volume dont on fêtera dans quelques années le bicentenaire de la parution (!), est bien un essai.

Et pas n'importe quel essai : le plus extraordinaire, le plus complet et le mieux écrit de tous les récits consacrés à la mer, au voyage. Un récit d'apprentissage et un témoignage unique sur une multitude de sujets.

Comme si vous vous trouviez à bord d'une machine à remonter le temps, vous voilà, lecteur, à Boston en 1834, sur le pont d'un voilier en partance pour la côte ouest des Etats-Unis.

Pendant cinq mois, vous allez naviguer vers le sud jusqu'en Patagonie, passer le cap Horn, prendre la direction du Nord et remonter jusqu'en Californie, région alors mexicaine.

Ensuite, pendant plus d'un an, vous allez caboter le long de la côte dans tous les sens, de San Diego, au sud, jusqu'à San Francisco, au nord, pour commercer et remplir un bateau (vous allez entre temps changer de monture) de 40 000 peaux de bœufs que vous ramènerez ensuite jusqu'à Boston en faisant le chemin inverse autour des Amériques.

Dana était un jeune homme de bonne famille, fraichement sorti d'un cycle à Harvard et décidé à découvrir le monde avant de reprendre ses études. Avec une plume d'une qualité tout simplement exceptionnelle, digne d'un grand romancier, il va tracer avec une précision hallucinante les moindres détails de ce voyage étonnant.

Non pas un simple journal de bord, mais bien un essai dont la vocation première est la pédagogie : tracer un témoignage de la vie d'un équipage en mer il y a deux siècles.

Technique de navigation, vie quotidienne, discipline, conditions de travail : tout y est, des meilleurs moments jusqu'aux pires excès de discipline.

Mais le récit de Richard Dana va bien au delà, puisque la moitié du livre est consacrée à son séjour sur la côte ouest où, comme un ethnologue professionnel, il observe, explique, raconte, le mode de vie des habitants : mexicains, membres d'équipage des bateaux venus du monde entier, indiens autochtones.

Tout est absolument passionnant et, même lorsque l'auteur noie son lecteur sous une avalanche de termes de navigation, il ne le perd jamais.

Tout d'abord, car le livre possède en fin de volume un épais appareil documentaire comportant des plans géographiques, des schémas de bateau, mais aussi un épais glossaire. Ensuite, car le sens de la narration de Dana est si pointue, son récit si juste et sympathique, que l'on est littéralement porté par l'histoire.

Après avoir terminé ses études d'avocat, à son retour, Dana publiera ces souvenirs, qui remporteront un succès phénoménal et le rendront célèbre dans le monde entier.

Il reviendra 25 ans plus tard en Californie. Le récit de ce voyage figure à la fin du livre; il montre quel point la côte ouest a totalement changé durant ce quart de siècle, sous la pression économique de la ruée vers l'or.

Encore plus tard, Dana œuvrera pour l'amélioration des conditions de vie des marins (les détails contenus dans son récit sur ce sujet sont terrifiants) et la normalisation juridique de leurs droits.

Vous aimez la mer ? Vous n'aimez pas la mer ?

Vous aimez les voyages ? Vous préférez rester chez vous ?

Peu importe : vous devez absolument dévorer à votre tour ce livre, que je place immédiatement dans ma bibliothèque idéale, au côté de Moby Dick, qui en est le pendant romancé puisque Melville reconnaitra l'influence du livre de Dana sur son travail !

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