Elmer

Gerry Alanguilan

ça et là

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Le pitch

Octobre 2003. La vie de Jake Gallo est un enfer : il n'arrive pas à trouver de travail, son père vient de faire une crise cardiaque, son frère Freddie est devenu une star du cinéma; mais le plus difficile à avaler, ce sont les frasques sentimentales de sa soeur May, qui s'est mise en tête d'épouser... un humain.

Car les Gallo, comme les autres poules et coqs du monde entier, sont subitement devenus conscients en 1979, au grand désarroi de l'espèce humaine.

Suite au décès de son père, Jake va découvrir l'histoire de sa famille et de ce dernier, Elmer, qui appartient à la première génération de poulets à avoir dû apprendre à cohabiter avec les hommes.

Mon avis

Les meilleures intentions du monde ne font pas malheureusement toujours les plus grandes réussites. C'est un peu ce que je me suis dit en refermant Elmer, le roman graphique de Gerry Alanguilan, publié aux éditions ça et là, dans un (trop) petit format.

C'est donc une déception que j'ai vécue en lisant cette oeuvre, pourtant portée par une réputation flatteuse depuis sa sorti en 2010.

L'idée, iconoclaste, originale, était séduisante : que deviendrait le monde des hommes si, du jour au lendemain, les gallinacées devenaient conscients et aussi intelligents qu'eux ?

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Elmer

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La première partie du livre fonctionne, portée par une structure narrative assez audacieuse et un ton impertinent qui met en avant tout ce qui peut faire mal : racisme, préjugés, remise en cause des rapports entre des êtres supérieurs et ceux qui les servent (ici... sur un plan purement alimentaire !).

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Cependant, rapidement, le récit s’essouffle.

Sans doute parce que la métaphore est vraiment lourde et finit par faire long feu. L'auteur appuie très fort sur chaque idée, pour faire bien comprendre à ses lecteurs que, oui, faute de tolérance, d'esprit ouvert, chacun se replie sur soi-même, au détriment de tous...

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Mais le lecteur qui n'est pas complètement idiot a bien saisi la parabole.

S'il a lu un minimum dans sa vie, il se rappelle avec nostalgie toutes les romans qui, par le passé, ont déjà joué sur le même registre animalier, sans doute avec plus de subtilité (je me contenterai de citer La ferme des animaux, de Georges Orwell), ou sur le même thème du racisme/ségrégation (les exemples sont innombrables).

Le parti pris de Gerry Alanguilan - dont le métier est avant tout d'être encreur pour les grands éditeurs de comics - de laisser les planches en noir et blanc, est assez gênante car son encrage, justement, est très épais et rend certaines planches (éditées dans un format trop petit, 23*17 cm) à la limite de la lisibilité.

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Effet collatéral : les nombreux aller-et-retours du récit dans le temps, qui auraient pu être clarifiés avec une mise en couleurs différente par époque, sont parfois difficiles à suivre, surtout que, vous l'avez compris, il n'est pas toujours facile pour un lecteur humain de distinguer les différents protagonistes... poulets !

Entendez bien : cet album, bourré jusqu'à la gueule (ou plutôt : jusqu'au bec !) de bonnes intentions, n'est pas illisible, loin de là, il est même souvent subtil et touchant.

Il aurait juste mérité un traitement avec un brin de subtilité supplémentaire, pour en faire une oeuvre vraiment marquante.

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