Etés anglais
Folio / La table ronde
Etés anglais
Folio / La table ronde
Le pitch
Juillet 1937, Sussex. Dans la propriété de Home Place, la Duche, affairée avec ses domestiques, prépare l'arrivée de la famille au grand complet : ses trois fils, Hugh, Edward et Rupert Cazalet, sont en chemin depuis Londres avec épouses, enfants et gouvernantes. Entre pique-niques sur la plage et soirées auprès du gramophone, les intrigues familiales se succèdent. Aux préoccupations des adultes font écho les inquiétudes des enfants, et à la résilience des femmes répond la toute-puissance - ou l'impuissance - des hommes.
L'été regorge d'incertitudes mais, sans l'ombre d'un doute, une nouvelle guerre approche...
Mon avis
Vous en conviendrez avec moi : il est parfois difficile de passer indéfiniment à côté d'un énorme succès de librairie, surtout quand celui-ci est porté par une réputation de Tourne Page, qui plus est bien écrit.
C'est ce qui m'est arrivé avec la saga des Cazalet, publiée il y a plus de trente ans et succès tardif en France.
Des piles de bouquins qui s'accumulent sur tous les présentoirs, pendant un an, deux ans, trois ans...
Alors j'ai fini par craquer et m'emparer du premier volume de cette tétralogie, dénommé Etés anglais, joliment édité par les éditions de la table ronde (jolie couverture, très joli papier crème épais et soyeux).
Après de très, très nombreuses heures de lecture, nécessaires pour couvrir les 560 pages du livre grand format (soit plus d'un million de signes !), j'ai bien identifié les raisons qui ont poussé de nombreux lecteurs à s'attacher à la série, et celles qui en ont poussé de nombreux autres (dont moi) à ne pas aller au delà de ce premier tome !
Le premier obstacle, évident, à la lecture de ce roman est la quantité phénoménale de personnages mis en scène par l'auteure.
Pour la famille des Cazalet, en ligne directe, cela représente pas moins de deux grands-parents, leurs quatre enfants et leurs trois conjoints, la dizaine de petits enfants nés, morts ou à naitre. Sans compter les frères et soeurs, les pièces rapportées, les maitresses, et surtout la quantité de domestiques attachés à chaque famille.
Pas compliqué : j'ai passé la première moitié du livre à me rapporter à l'arbre généalogique placé fort judicieusement au début du volume !
Si vous franchissez ce premier obstacle, vous risquez de vous retrouver assez rapidement encalminé dans une absence totale de vent scénaristique qui transforme votre lecture en une traversée de la manche à la nage (voilà une de ces métaphores foireuses dont j'ai le secret !).
C'est lent, long, terriblement lancinant, chaque personnage - du plus vieux au plus jeune - étant mis et étudié sous le microscope de l'auteur.
Et cela ne va pas s'arranger au fil des pages, au contraire.
Mais une fois ces obstacles franchis, - ou intégrés dans votre lecture -, il faut bien admettre qu'Elizabeth Howard avait un vrai talent de romancière, avec une capacité très rare à faire rentrer ses lecteurs dans la tête de ses personnages.
Lorsqu'elle suit un dans ses agissements, c'est pour mieux décrypter ses pensées, ses émotions, quelque soit son âge.
On a ainsi droit à de nombreuses pages étonnantes où l'on suit, comme carrément j'ai pu le faire, la psyché d'un enfant de huit, dix, douze ou quatorze ans. Rien que pour cela, le roman mérite d'être lu.
Le second point éminemment positif est la capacité de l'auteure à documenter soigneusement - certains diront trop - la vie de la grande bourgeoisie anglaise juste avant la seconde guerre mondiale.
Jamais je n'avais, jusqu'à ce livre, été informé des détails des problème physiques ou hygiéniques de cette classe privilégiée (comme cette technique effroyable de se faire arracher l'intégralité de ses dents à quarante ans, pour les remplacer par un dentier).
Jamais, non plus, je n'avais vécu avec autant de détails et de précisions, la montée des craintes des anglais à l'approche d'une possible guerre contre les allemands et leurs préparatifs pour l'affronter.
Malheureusement, de telles qualités d'écriture, qui m'auraient enchanté avec cent pages de moins, ont fini par s'évaporer dans une absence totale - je dis bien totale ! - de moteur narratif, colonne vertébrale scénaristique.
Comme si Elizabeth Howard avait voulu, systématiquement, éviter toute surprise, toute scène forte, tout rebondissement.
Elle va même plus loin - entrainant le désappointement du lecteur - en provoquant des scènes très fortes (sans spoiler : une femme mariée surprend son mari avec une autre femme, dans des circonstances prêtant peu à confusion), mais qu'elle désamorce de manière incompréhensible au dernier moment.
Bref : le volume s'achève alors que les perspectives de guerre s'éloignent provisoirement, et il ne s'est rien passé de significatif entre les personnages.
Et dieu sait si je me suis ennuyé à la lecture du dernier tiers du livre !
Un conseil amical de ma part : si vous souhaitez vous laisser emporter par la lecture d'une grande saga anglaise, foncez plutôt sur La dynastie des Forsythe, de John Galsworthy (prix Nobel de littérature). C'est juste formidable.
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