Lady Chevy

John Woods

Albin Michel

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Le pitch

Amy Wirkner, lycéenne de 18 ans, est surnommée « Chevy » par ses camarades en raison de son surpoids. Solitaire, drôle et intelligente, elle est bien décidée à obtenir une bourse pour pouvoir aller à l’université et quitter enfin ce trou perdu de l’Ohio où la fracturation hydraulique empoisonne la vie des habitants, dans tous les sens du terme. Mais alors qu’elle s’accroche à ses projets d’avenir et fait tout pour rester en dehors des ennuis, les ennuis viennent la trouver.

Convaincue que l’eau de la région devenue toxique est à l’origine des malformations de naissance de son petit frère, elle accepte de participer avec son meilleur ami Paul à un acte d’écoterrorisme qui va très mal tourner. Mais Amy refuse de laisser l’erreur d’une nuit briser ses rêves, quitte à vendre son âme au diable…

Mon avis

Une ou deux fois par an, je tombe sur un grand roman américain contemporain.

Vous trouvez que c'est peu ? Moi, je trouve que c'est déjà pas mal, j'aimerais bien pouvoir dire la même chose de la littérature française !

La littérature américaine est saine, pleine de vigueur, même si elle n'échappe pas aux méfaits et aux excès des écoles d'écriture et à l'influence pernicieuse de l'enseignement universitaire qui a tendance à s'emmêler les pédales, confondant vocation littéraire et vocation sociale.

La preuve de cette vitalité ? Lady Chevy en est un excellent exemple.

L'auteur ? John Woods, un jeune trentenaire dont c'est le premier roman.

Issu d'une enfance et adolescence dans l'Ohio, il a traversé comme beaucoup d'américains les affres et les cahots des mutations économiques du pays, la montée des extrémismes politiques et religieux, les tempêtes du mandat Trump.

Avec Lady Chevy, c'est son Amérique, celle des laissés pour compte, celle du gaz de schiste et de la fracture hydraulique, celle des nostalgiques du KKK, qu'il raconte, avec une subtilité étonnante.

Attention : à n'en pas douter, Lady Chevy est un drame, mais un drame réaliste où l'auteur tourne autour de ses personnages et de leurs actes de telle manière que le lecteur ne sait plus trop, au bout d'un moment, qui est bon, qui est méchant, où est la victime, et où est le monstre.

Porté par la voix  d'Amy, la jeune fille qui tente de sortir de sa condition mais commet certains actes qui risquent de briser ses rêves, le roman assomme par la dureté effroyable de son constat, mais reste toujours à portée d'un espoir fugace.

Il est clair que John Woods est porteur de valeurs humaines qui lui permettent de réaliser cet exploit : suivre un autre personnage a priori perdu, Hastings, et le regarder se frayer un chemin au milieu des morts dont il est responsable, sans jamais le condamner.

A certains moments de ma lecture, j'ai pensé à Le diable, tout le temps, ce formidable roman de Donal Ray Pollock, porté en partie par les mêmes thèmes et encore plus terrible; si c'est possible !

La grosse différence entre les deux œuvres, c'est que Pollock parle beaucoup de religion (pour en démonter le détournement et la perversion) alors que c'est la cadet des soucis de John Woods.

Sans doute parce que l'Amérique profonde, dont je parlais plus haut, n'existe pas : en fait, il existe des Amériques profondes.

Celle du sud profond, celle de Pollock, n'est pas celle du nord profond, celle de Woods.

Et le simple fait que tant de territoires soient aujourd'hui plongés dans l'obscurité n'est pas un bon signe pour l'avenir du pays et du monde...

Bien. Je ne suis pas certain de ne pas vous avoir fait un peu peur.

Pourtant, n'hésitez pas : Lady Chevy est un grand roman, dont le souvenir vous tournera autour pendant longtemps.

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