L’amour est aveugle

William Boyd

Seuil

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Le pitch

1894. Accordeur surdoué à l'oreille absolue, le jeune Brodie Moncur, employé d'un vénérable fabricant de pianos à Édimbourg, accepte avec joie un poste important dans la filiale parisienne, fuyant ainsi l'ennui de la province et la hargne de son pasteur de père. Mais sa rencontre avec John Kilbarron, le " Liszt irlandais ", et la maîtresse de ce dernier, la soprano russe Lika Blum, dont il tombe fou amoureux, va changer inéluctablement le cours de son existence.

Devenu indispensable au pianiste, il le suit de Paris à Saint-Pétersbourg, où sa liaison clandestine avec Lika est éventée par Malachi, le frère maléfique de Kilbarron.

Mon avis

Il y a quelques temps, j'écrivais avec nostalgie, dans une critique d'un des derniers romans de William Boyd : "retrouverais-je un jour, cette musique incroyable d' Un anglais sous les tropiques, de Comme neige au soleil ou,bien entendu des Nouvelles confessions ? Je croise les doigts..."

Il faut dire que le plus grand romancier anglais vivant, passé le virage du siècle et de la cinquantaine, s'est trouvé un peu dépourvu, quand la bise fut venue...

Panne d'inspiration ? Sans le moindre doute !

Ce qui faisait (outre son style magnifique) la qualité unique des romans du Boyd "d'avant", c'était le souffle narratif, sa capacité à prendre un personnage principal et l'emmener loin, fort, parfois sur toute une vie.

A bout de souffle, voilà comment m'apparaissait l'auteur, ces dernières années.

En fait, il faut remonter à A livre ouvert pour retrouver un vrai, très grand roman; et c'était en 2002...

En lisant de (carrément) mauvais livres, comme Orage ordinaire, ou son récent recueil de nouvelles Tous ces chemins que nous n'avons pas pris, je me prenais à désespérer...

Mais avec L'amour est aveugle (un très mauvais titre, pourtant), voilà enfin une vraie lueur dans la bibliographie de William Boyd !

Pour parvenir à retrouver le chemin de la réussite, il lui a suffit, comme souvent, de remonter le temps, et de partir ailleurs.

L'amour est aveugle est le récit de la courte vie de Brodie Moncur, homme ordinaire destiné à vivre une vie ordinaire dans son Ecosse natale, mais que son unique talent, sa capacité à accorder merveilleusement les pianos grâce son oreille absolue, va propulser dans un premier temps dans le Paris du tournant du siècle (du XIX° !) puis dans la Russie tsariste.

Le roman, long, copieux, n'est pas une réussite absolue car il manque un soupçon d'intensité et, sur la fin, on sent que Boyd ne sait plus très bien quoi faire de son héros.

Mais sa lecture est, sur les trois quarts des 500 pages, un vrai bonheur (même si c'est un bonheur en mineur) car - outre le style, toujours aussi royal -, on sent passer un brin du souffle épique du roman historique, les ressorts dramatiques du roman d'aventure, et - surtout ! - les déchirements nerveux du roman romantique.

L'amour est aveugle est avant tout une histoire d'amour, qui occupe quasiment toute l'histoire d'une vie, et elle prête à rêver au lecteur, qui se laisse embarquer, enfin.

Pas de doute : on sent que Boyd, sans doute pour la première fois depuis longtemps, s'est fait vraiment plaisir...

Remets-nous ça, William, encore un peu plus loin et un peu plus fort !

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