Le nœud de vipères

François Mauriac

Le livre de poche

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Le pitch

Vieil avare qui veut se venger des siens en les déshéritant, Louis se justifie dans une sorte de confession qu’il destine à sa femme : elle le précède dans la mort. Dépossédé de sa haine et détaché de ses biens, cet anticlérical sera touché par la lumière in articulo mortis.

Chronique d’une famille bordelaise entre l’affaire Dreyfus et le krach de Wall Street, Le Nœud de vipères offre les coups de théâtre, les surprises d’un vrai roman. La satire et la poésie y coexistent miraculeusement.

Mon avis

L'exercice de la relecture d'un roman est un des plus difficiles qui soit.

Parfois, un récit qui vous a profondément ennuyé enfant ou adolescent se révèle être, à l'âge de la maturité, une révélation.

Parfois, c'est un peu le contraire : un roman qui vous a marqué, tout jeune lecteur, au point de rester dans votre mémoire comme une référence digne de votre bibliothèque idéale, apparait, sur le tard, comme nettement moins impressionnant.

C'est malheureusement ce qui vient de m'arriver avec Le noeud de vipères dont la lecture, adolescent, m'avait pratiquement traumatisé.

J'avais, dans mon souvenir, été stupéfait par le portrait terrible que François Mauriac faisait de cette grande bourgeoisie de province d'avant-guerre.

Une famille où seuls comptaient l'argent, la réputation, les alliances, la religion... et encore l'argent.

Tout cela est resté, n'a pas bougé : c'est la grande force et la grande réussite du roman, mais c'est aussi un peu sa faiblesse car, depuis, tant de romanciers ont été loin, beaucoup plus loin que Mauriac sur le même chemin, et souvent avec un tel talent !

Je pense notamment à la littérature américaine contemporaine où tout va plus vite, plus loin, plus fort et parfois avec un talent équivalent au grand auteur français.

Vous voulez un exemple, parmi tant d'autres ? Allez lire Le diable tout le temps, de Donald Ray Pollock, et vous allez voir jusqu'où peut porter les horreurs de la famille et de la religion !

La langue de François Mauriac est toujours là, un style austère et d'un classicisme parfait... mais parfois un brin surannée, une langue à laquelle il manque parfois un peu de vista, de créativité.

Qui plus est, le choix de l'auteur de limiter son texte à une "lettre" laissé par le personnage principal après sa mort limite terriblement les possibilités narratives.

Récit à la première personne, aucun dialogue, le texte est froid comme la mort (ce qui est bien la volonté de Mauriac) mais il en devient aussi terriblement désincarné : comment haïr, aimer, pleurer pour des personnages qui ne parlent pas ?

Dernier point : en quelques dizaines d'années, le contexte du roman - sur lequel repose toute l'histoire - s'est effacé, dilué dans l'histoire, le passé.

L'affaire Dreyfus, les alliances et mésalliances, les grands bourgeois vivants de leur rente, la pression et les tourments de la religion, la réputation, les mariages de raison, les dots... j'imagine à quel point tous ces éléments de la vie sociale d'il y a un siècle et demi risquent de déconcerter de jeunes lecteurs.

Reste le portrait de cet homme en tous points haïssables, de ce Louis qui crache sa haine avec une violence si absurde et répétitive que ce portrait m'en parait déconsidéré tant il présente avec un éclairage contemporain tous les symptômes d'une grave maladie mentale.

Aux derniers jours de sa vie, la proximité de la mort - mais pas de la sienne - orientera l'éclairage des évènements de son existence d'une manière si cruelle qu'il en deviendra pathétique.

Vous aimez les drames antiques ? Ce livre est pour vous.

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