Les dieux du tango

Carolina de Robertis

Le cherche midi

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Le pitch

Février 1913. Leda a dix-sept ans. Elle quitte son petit village italien pour rejoindre en Argentine son cousin Dante, qu'elle vient d'épouser. Dans ses maigres bagages, le précieux violon de son père.

Mais à son arrivée, Dante est mort. Buenos Aires n'est pas un lieu pour une jeune femme seule, de surcroît veuve et sans ressources : elle doit rentrer en Italie. Pourtant, quelque chose la retient... Leda brûle d'envie de découvrir ce nouveau monde et la musique qui fait bouillonner les quartiers chauds de la ville, le tango, l'envoûte.

Passionnée par ce violon interdit aux femmes, Leda décide de prendre son destin en main. Un soir, vêtue du costume de son mari, elle part, invisible, à travers la ville.

Elle s'immerge dans le monde de la nuit, le monde du tango. Elle s'engage tout entière dans un voyage qui la mènera au bout de sa condition de femme, de son art, de la passion sous toutes ses formes, de son histoire meurtrie. Un voyage au bout d'elle-même.

Mon avis

Une (très jolie) couverture avec rabat rouge écarlate sur fond de fleurs en impression relief violette, prolongée par des gardes sur lesquelles les fleurs rouges ressortent sur un fond violet;  un papier crème au grammage épais : Le cherche midi  a particulièrement soigné l'édition des Dieux du tango qui est, dès le premier abord un plaisir pour l'amateur de beaux livres.

Mais une jolie édition n'est rien si le texte qu'elle renferme ne présent pas d'intérêt.

J'avoue avoir été, dans un premier temps, modérément attiré par le pitch, qui laissait entrevoir une forte probabilité de tomber sur un de ces très nombreux romans "romantico-historique" qui peuplent (encombrent) les tables physiques et les pages numériques des libraires.

Mais tout de même, cette histoire de tango, cette promesse d'ailleurs, avait quelque chose d'intrigant...

Alors je me suis lancé... et bien m'en a pris car le roman de Carolina de Robertis m'a peu à peu conquis, investi, pour me "recracher", 550 pages plus loin, l'esprit résonnant de sensations accumulées au fil des chapitres.

Les dieux du tango est, contrairement au apparences, une oeuvre littéraire ambitieuse qui aborde plusieurs thèmes entremêlés, enchevêtrés au point qu'ils en deviennent indissociables.

Par une technique narrative subtile, faite de strates, de couches successives d'impressions déposées sur le papier, l'auteure plante peu à peu le décor d'un monde qui parait bien étrange à un européen, exactement un siècle après le déroulement de l'histoire.

Impressions tactiles - chaleur, poussière, humidité -, impressions visuelles et olfactives - pauvreté, saleté, poussière des quartiers misérables de Buenos-Aires, impressions sonores - le bruit des enfants courant dans les ruelles, les bars, la musique, le violon, le tango, bien entendu.

Le lecteur entre peu à peu dans ce monde comme le fait Leda, l'héroïne, cette jeune immigrée italienne qui va découvrir peu à peu sa passion pour l'Amérique du sud, sa passion pour la musique, sa passion pour les femmes.

Pour vivre ces trois passions, elle va devoir, peu à peu, quitter ses vêtements, sa condition, et sa mentalité de femme, pour se travestir en homme... devenir un homme (je ne vous raconterais pas la fin du roman, bien entendu, mais la boucle narrative est à la fois belle et profondément émouvante)

Narration et dialogues alternés avec subtilité, de nombreux personnages bien structurés, une histoire - presque - linéaire mais prenante car jamais l'auteure ne quitte d'une semelle l'héroïne : impossible pour un lecteur attentif, sensible au destin de Leda, de ne pas être fasciné.

Les dieux du tango est avant tout un récit d'apprentissage et, vous le savez, il n'y a rien de plus prenant que la lecture d'un récit d'apprentissage bien mené !

Alors, bien sûr, pour se laisser embarquer, il faut aimer la musique - l'histoire du développement du tango, que je ne connaissais pas -, ne pas être insensible à la longue réflexion sur l'homosexualité féminine, et adhérer au style puissant, sensuel et charnel de Carolina de Robertis, typique de la littéraire sud-américaine.

Mais si vous vous retrouvez dans ce portrait, ce roman est pour vous : embarquez le pour vos vacances d'été, il sera la promesse de nombreuses heures de plaisir.

Chaudement recommandé.

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