Les vestiges du jour

Kazuo Ishiguro

Folio

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Le pitch

" Les grands majordomes sont grands parce qu'ils ont la capacité d'habiter leur rôle professionnel, et de l'habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. Ils portent leur professionnalisme comme un homme bien élevé porte son costume. C'est, je l'ai dit, une question de "dignité". "

Stevens a passé sa vie à servir les autres, majordome pendant les années 1930 de l'influent Lord Darlington puis d'un riche Américain. Les temps ont changé et il n'est plus certain de satisfaire son employeur. Jusqu'à ce qu'il parte en voyage vers Miss Kenton, l'ancienne gouvernante qu'il aurait pu aimer, et songe face à la campagne anglaise au sens de sa loyauté et de ses choix passés...

Mon avis

Un quart de siècle après ma première lecture, je viens de reprendre le très grand roman de Kazuo Ishiguro, alors qu'il vient de recevoir le Prix Nobel de littérature.

Comme la première fois, je me suis littéralement régalé à chaque page, tant cette oeuvre est une perfection, tant sur le fond que sur le plan formel.

Attention : rien de spectaculaire dans ce récit à la première personne du singulier, le soliloque d'un homme sur le point d'entamer le dernier chapitre du roman de sa vie et qui se retourne sur son passé pour en évoquer quelques souvenirs.

Ici, pas d'intrigue, pas de rebondissements, peu de personnages : juste les réflexions d'un majordome anglais qui, avec une certaine fierté, revient sur sa carrière exemplaire.

Je dis bien : carrière, car de vie personnelle, il n'en eut pas, si absorbé fut-il par son métier, son devoir, le respect des "valeurs" attachées à sa charge.

Dans un récit constamment joué en mineur, Kazuo Ishiguro peint en demi-teintes impressionnistes d'une subtilité fascinante le portrait d'une Angleterre disparue, mais surtout d'un homme qui, a trop vouloir atteindre les objectifs en carton-pâte fixés à sa caste (car il s'agit bien de castes dont on parle dans l’Angleterre post-victorienne), a totalement oublié de vivre sa vie.

La famille, l'amour, le courage et le respect des véritables valeurs humaines : autant de fondamentaux que Stevens a délibérément contournés, ignorés, chose qu'il raconte avec une naïveté et un sens du déni absolument confondant... et bouleversant.

Car c'est bien dans cet état que la lecture de chef-d'oeuvre vous place : impossible de ne pas être perpétuellement bouleversé par ce drame magnifique, ces non-dits déchirants qui affleurent constamment entre les lignes.

Vous sortirez des Vestiges du jour les yeux humides, ou je n'y connais rien à la littérature. Indispensable.

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