Nous avons toujours vécu au château

Shirley Jackson

Rivages/Noir

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Le pitch

« Je m’appelle Mary Katherine Blackwood. J’ai dix-huit ans, et je vis avec ma sœur, Constance. J’ai souvent pensé qu’avec un peu de chance, j’aurais pu naître loup-garou, car à ma main droite comme à la gauche, l’index est aussi long que le majeur, mais j’ai dû me contenter de ce que j’avais.

Je n’aime pas me laver, je n’aime pas les chiens, et je n’aime pas le bruit. J’aime bien ma sœur Constance, et Richard Plantagenêt, et l’amanite phalloïde, le champignon qu’on appelle le calice de la mort. Tous les autres membres de ma famille sont décédés. »

Mon avis

Il est rare qu’un roman marque l’histoire de la littérature pour un point, un détail, une particularité qui le distingue de tous les autres œuvres écrites et publiées jusqu’alors. Nous avons toujours vécu au château en fait partie, grâce à son incipit.

Tout le monde connait celui d’A la recherche du temps perdu (Longtemps, je me suis levé de bonne heure) et beaucoup ont admiré, bouche bée, celui de Lolita, de Nabokov ( Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais pour venir, à trois, cogner contre les dents. Lo. Li. Ta.).

Celui du roman que je tiens entre mes doigts ?

Tout simplement le pitch, que l’éditeur (Rivages/noir. ; what else ?) a eu l’intelligence de reproduire sur la quatrième de couverture.

Magnifique, non ? C’est pour ces six phrases que j’ai acheté le volume : style, mystère, fantastique, intrigue amorcée…

La lecture qui en a suivi n’a pas été, vous l'avez deviné, tout à la fait à la mesure de l’espoir suscité par cet incipit : à placer la barre trop haute dès le début, on risque de passer carrément dessous lors du premier essai (ça, c’est un proverbe sportif de mon cru dont je suis très fier !).

Non que le roman ne recèle pas une bonne part des qualités démontrées dans le premier paragraphe :

Le style de Shirley Jackson, d’un grand classicisme, est extrêmement maîtrisé

Le mystère est présent, prégnant, de la première à la dernière page, même s’il se lève peu à peu.

L'ambiance, profondément dérangeante, tiens à ce que le lecteur, déstabilisé par les manœuvres de l'auteure qui dévoile juste ce qu'il faut... pour qu'on ne soit certain de rien, est assez proche de ce que rédigeaient les auteurs adeptes du roman fantastique gothique anglais du XIX° siècle.

Résultat, pendant une bonne moitié du court roman, on ne sait pas exactement sur quel pied danser ; est-ce du lard ou du cochon ?

Ou plutôt : est-ce du fantastique, ou simplement de l'horreur ?

La seconde partie du récit ne m'a pas paru complètement convaincante car, une fois les intentions de Shirley Jackson découvertes par l'habile lecteur  (c'est moi), l'histoire tourne un peu en boucle, sans vraiment se renouveler.

Conclusion : un thriller très original, sans être le chef-d'oeuvre que certains ont bien voulu y voir.

Mais nom d'un chien, quel incipit !

NB  : Shirley Jackson est morte prématurément à 49 ans. Sans aucun doute, la coupable est une des héroïnes de son roman (comprenne qui pourra) !

 

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