Staline

Oleg Khlevniuk

Gallimard / Folio

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Le pitch

"Cela fait plus de vingt ans que je me consacre à l'étude de Staline et des mécanismes qui ont sous-tendu son action. Une action qui aboutit à la destruction de millions de vies humaines. Malgré le caractère éprouvant, sur le plan émotionnel, de ce travail, je m'y suis tenu avec constance", écrit Oleg Khlevniuk en introduction à cette nouvelle biographie saluée par la critique internationale.

Unanimement reconnu comme le plus éminent spécialiste russe du stalinisme, fort d'une connaissance exceptionnelle des grands fonds d'archives soviétiques, l'auteur suit la vie et le parcours de ce dictateur hors catégories. Il pose un regard neuf sur le "système de règles" de Staline, les mécanismes politiques de son ascension, les ressorts d'un mode de gouvernance fondé sur un interventionnisme de tous les instants et un travail quotidien titanesque.

Mon avis

Hitler, Staline, Mao : le trio des pires meurtriers du XX° siècle, responsables de la mort d'au moins cent millions de morts au cours de leurs dictatures.

Hitler, le plus "visible" et le plus commenté par les historiens, Mao sans doute le moins connu et le plus énigmatique.

Reste Staline, dont de nombreux ressorts psychologiques restent encore aujourd'hui mal décryptés.

Avec la très longue et très complète biographie du spécialiste russe Oleg Khlevniuk (620 pages + 100 pages de notes et d'appareil critique), voilà l'occasion d'en savoir un peu plus, et c'est vraiment réussi.

Khlevniuk, en grand historien, a choisi de travailler uniquement sur des sources précises et fiables.

Et des sources, il en a consultées des quantités, grâce à d'innombrables archives du Kremlin qu'il a pu consulter alors qu'elles venaient d'être déclassifiées.

Oleg Khlevniuk, tout au long de son étude, alterne son analyse essentiellement chronologique avec de brèves séquences se déroulant le 1er mars 1953, jour où, effarée, effrayée, la garde rapprochée du dictateur tente de gérer la situation générée par un AVC qui se révélera, au bout de quelques heures, mortel.

Ces heures de doute et de crainte pour le politburo ont déjà été racontées dans le très réussi La mort de Staline (BD et film), dont je parle par ailleurs sur ce site.

Elles montrent à quel point le vieil autocrate inspirait une terreur indicible à ses proches, au point qu'ils préférèrent le laisser mourir plutôt que de tenter de la soigner, de peur d'être accusés - à leur tour - de complot.

Je ne vais pas m'étendre sur le fond de cette biographie passionnante (même pour ceux qui, comme moi, connaissent bien les trente années durant lesquelles Staline a dirigé la Russie).

Les faits racontés sont parfois si incroyables, sidérants, pour un esprit rationnel et à la moralité "normale", qu'il faut se pincer pour croire à ces délires de paranoïa compulsive qui, des décennies durant, poussèrent le monstre à supprimer, encore et encore, tout ceux qu'ils considéraient comme dangereux pour son pouvoir solitaire.

Paradoxe : il fut d'ailleurs la dernière victime de cette paranoïa car la purge des "blouses blanches" fit un tel vide dans son entourage médical en 1953 qu'il fit supprimer tous les médecins qui auraient pu le sauver (NB : n'hésitez pas à lire sur ce site ma critique du grand roman de Vassili Axionov, Une saga moscovite, dont la dernière partie décrit en détails ce délire).

Sur la forme, l'auteur est précis, extrêmement factuel sans jamais tomber dans le défaut classique des biographies rédigées par ces universitaires dont le style manque totalement de liant romanesque.

On pourra lui reprocher de passer trop de temps sur les rapports de Staline avec le pouvoir, et trop peu sur sa personnalité et sa vie personnelle; mais comment parler de l'homme au quotidien, quand tout ceux qui l'ont fréquenté jour après jour sont morts sans laisser de témoignage et d'écrits ?

Une lecture indispensable pour tout ceux qui se passionnent pour l'histoire du XX° siècle.

 

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