C’est ici que l’on se quitte

Jonathan Tropper

Fleuve Noir / 10/18

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Le pitch

Morton Foxman s'en est allé. Mais avant de mourir, il a exprimé une dernière volonté : que sa famille célèbre la Shiva'h. Sept jours de deuil, ensemble, sous le même toit. Une perspective peu réjouissante pour ce clan qui ne s'est pas retrouvé ainsi réuni depuis... depuis quand déjà ?

Judd, qui nage en pleine déprime après avoir découvert sa femme en flagrant délit d'adultère, s'apprête à vivre ce qui pourrait être la pire semaine de sa vie. Il rejoint sa mère, aux talons et décolleté vertigineux ; sa sœur Wendy accompagnée de ses gosses hyperactifs et de son mari continuellement scotché à son BlackBerry ; son frère aîné, Paul, atrabilaire, et sa charmante épouse, avec qui Judd a pris un peu de bons temps par le passé ; et enfin Phillip, le vilain petit canard, qui se fait aussi rare que discret sur ses activités...

Des caractères diamétralement opposés contraints de cohabiter pendant sept jours et sept nuits. Les non-dits, les rancœurs couvent. Et chacun de prendre sur lui pour ne pas péter les plombs. Famille, je vous hais ! Heureusement, il y en a au moins un qui n'est plus là pour voir ça...

Mon avis

"– Papa est mort.

Wendy m’annonce cela d’un ton badin, comme si la chose s’était déjà produite par le passé, comme si ça arrivait tous les jours. C’est agaçant cette façon qu’elle a d’être ainsi détachée, même dans les instants les plus dramatiques.

– Il est mort il y a deux heures.

– Et comment le vit maman ?

– Maman ? C’est maman. Elle voulait savoir s’il fallait donner un pourboire au type des pompes funèbres."

Les premières lignes du quatrième roman de Jonathan Tropper que je cite exceptionnellement ici sont le reflet parfait du livre, mais aussi de l'intégralité de son oeuvre de l'auteur.

Humour (juif) et émotion mêlés, entremêlés, imbriqués au point que l'on ne peut les dissocier, comme on ne les dissocie pas dans la vie...

Tropper est un auteur américain important, même si les critiques feront tout pour vous convaincre du contraire. Ne vous laissez pas influencer : lisez-le !

Tropper, "lancé" comme une fusée par Le livre de Joe, qui a remporté un immense succès en 2008, écrit coup sur coup quatre romans en cinq ans.

Tous sont très réussis, mais C'est ici que l'on se quitte est vraiment à part...

Faire rire et vibrer sur 400 pages en racontant les soubresauts en huit-clôt d'une famille juive tenue de vivre en autarcie pendant une semaine complète, afin de respecter les dernières volontés du pater familias qui vient de mourir, c'est une gageure... pourtant parfaitement gagnée !

Le lecteur passe les premiers chapitres, racontés à la première personne du singulier par le personnage principal (comme dans tous les romans de Tropper), a découvrir avec ahurissement ce qu'est la shiva'h, cette célébration juive si bizarre pour un goy.

Après, il suit avec un ahurissement tout aussi manifeste les soubresauts de cette famille dont chaque membre semble tenter, jour à près jour, de gagner le concours du plus taré.

C'est franchement hilarant par moment, et les moments d'émotion qui surgissent, souvent, comme par miracle, n'en sont que plus touchants.

Comme je l'écrivais dans ma critique du Livre de Joe :  pour les fans de Jonathan Tropper, l'attirance et l'addiction que ses romans provoquent ne s'expliquent sans doute que par le fait que sa plume est sympathique, et que ses personnages possèdent tous une rare épaisseur psychologique.

Les thèmes qu'il malaxe, livre avec livre, sont toujours les mêmes : filiation père-fils, famille, religion, sens de la vie... mais on ne s'en lasse pas.

Fortement recommandé... Faite-moi confiance : un des romans de deuil les plus réussis de la littérature !

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