Dans ce jardin qu’on aimait

Pascal Quignard

Grasset/Folio

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Le pitch

Le révérend Simeon Pease Cheney est le premier compositeur moderne à avoir noté tous les chants des oiseaux qu’il avait entendus, au cours de son ministère, venir pépier dans le jardin de sa cure, au cours des années 1860-1880.

Il nota jusqu’aux gouttes de l’arrivée d’eau mal fermée dans l’arrosoir sur le pavé de sa cour.

Il transcrivit jusqu’au son particulier que faisait le portemanteau du corridor quand le vent s’engouffrait dans les trench-coats et les pèlerines l’hiver.

"J’ai été ensorcelé par cet étrange presbytère tout à coup devenu sonore, et je me suis mis à être heureux dans ce jardin obsédé par l’amour que cet homme portait à sa femme disparue." Pascal Quignard

Mon avis

Pascal Quignard est l'auteur d'un des meilleurs romans jamais écrits sur la musique, Tous les matins du monde, qui remporta un succès mérité, démultiplié par celui de son adaptation cinématographique.

Dans Tous les matins du monde, Quignard - un des grand auteurs français contemporains, dois-je le souligner ? - mettait en scène Monsieur de Sainte-Colombe, compositeur du XVII° qui ne se remit jamais de la mort de sa femme et dont l'intérêt tardif pour la musique naturaliste (les bruits qu'émettent la nature) le distingua de ses contemporains.

Dans Ce jardin qu'on aimait, il place au centre de son récit Simon Pease Cheney, un autre compositeur de la fin du XIX°, qui a consacré sa vie à la musique naturaliste, antichambre d'une certaine forme de musique moderne.

Quignard présente Cheney comme totalement inhibé, traumatisé par la mort prématurée de sa femme, au point de renier sa fille, qu'il considérait comme responsable de sa mort.

C'est cette analogie quasi parfaite des thèmes qui m'a poussé à découvrir ce nouveau roman.

Malheureusement, il ne présente ni sur le fond ni sur la forme la quasi perfection minimaliste et humaniste de son prédécesseur.

Sur le fond, grosse frustration par rapport aux attentes crées artificiellement par la quatrième de couverture, car l'auteur n'évoque en fait la musique qu'à la marge.

Son roman (si on peut appeler cette oeuvre ainsi) est essentiellement un hommage, doux, acide et terriblement douloureux, à l'amour perdu.

Amour total qui - pour peux qu'il n'y prenne pas garde - peut dénaturer le survivant au point de lui faire perdre la raison et sa nature d'être aimant (renier sa fille car elle a tué sa mère lors de son accouchement ? Quelle horreur !).

Sur la forme, Pascal Quignard a - par excès d'ambition et manque d'humilité - clairement perdu le contrôle de son oeuvre.

Parfois poème en prose, c'est aussi souvent une oeuvre théâtrale, avec des récitatif très formels proches du théâtre antique, des dialogues et des indications des jeux de scène.

La vocation théâtrale de l'oeuvre est tellement évidente qu'elle fut adaptée et portée sur scène.

L'ensemble de l'oeuvre est belle, le style superbe, le thème de la perte terriblement triste, déprimant, mais si redondant qu'il en devient dérangeant.

L'architecture formelle est tellement rigide, corsetée, qu'elle entre en conflit, manifestement, avec la nature poétique du texte.

Je suis sorti de cette courte lecture déçu et frustré.

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