Ecotopia

Ernest Callenbach

Rue de l'échiquier / Folio SF

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Le pitch

Trois États de la côte ouest des États-Unis - la Californie, l'Oregon et l'État de Washington - décident de faire sécession et de construire, dans un isolement total, une société écologique radicale, baptisée Écotopia. Vingt ans après, l'heure est à la reprise des liaisons diplomatiques entre les deux pays. Pour la première fois, Écotopia ouvre ses frontières à un journaliste américain, William Weston.Au fil des articles envoyés au Times-Post, il décrit tous les aspects de la société écotopienne : les femmes au pouvoir, l'autogestion, la décentralisation, les vingt heures de travail hebdomadaire et le recyclage systématique. D'abord sceptique, voire cynique, William Weston vit une profonde transformation intérieure. Son histoire d'amour intense avec une Écotopienne va le placer devant un dilemme crucial : choisir entre deux mondes.

Récit utopique publié en 1975, traduit depuis dans le monde entier, Écotopia offre une voie concrète et désirable pour demain, et ce faisant agit comme un antidote au désastre en cours.

Mon avis

On ne prend jamais assez de temps pour remercier certains éditeurs français, pour leur capacité à aller piocher dans la littérature américaine des décennies passées afin d'en extraire un grand roman peu connu, voire oublié du lectorat francophone et le (re)traduire et le (re)publier.

C'est le cas de l'éditeur Rue de l'échiquier qui, grâce à une traduction de Brice Mathieussent, a exhumé Ecotopia des limbes d'outre-Atlantique, 40 ans après sa première édition (chez Stock), relayé par Gallimard en format poche dans la collection Folio SF.

Quand j'utilise le terme limbes, c'est vraiment une formule de style car le roman d'Ernest Callenbach est extrêmement célèbre aux US. Vendu à plus d'un million d'exemplaires à sa sortie, en 1975, il reste aujourd'hui le plus parfait exemple de roman utopique écologique.

Ernest Callenbach était un partisan de la simplicité volontaire, un mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation en l'ajustant à ses besoins réels.

Ecotopia décrit, de manière exceptionnellement précise et élaborée, le fonctionnement d'un état et la vie de ses habitants appliquant dans ses moindres détails cette "philosophie". Une sorte d'utopie écologiste, donc, proche des mouvements actuels prônant la décroissance et le respect de la nature.

Mais réduire le roman à une projection écologiste serait vraiment réductrice, car c'est tout un écosystème économique et une remise en question complète de nos paradigmes sociétaux que décrit l'auteur, avec un brio indéniable.

Contrairement à ce que l'on pourrait craindre, le roman, écrit peu après la grande vague de remise en question de la consommation post 68, n'a pas vieilli d'un pouce.

Au contraire : les développements imaginés par Callenbach se révèlent, tout au long d'une lecture passionnante, d'une stupéfiante modernité !

Avec un sens de l'anticipation qui m'a laissé à de nombreuses reprises bouche bée, l'auteur a imaginé, il y a près d'un demi-siècle, les objectifs à atteindre pour remettre notre civilisation sur ses rails, mais aussi les meilleures solutions pour y parvenir, solutions qu'après moult débats et tâtonnements, nous commençons tout juste à mettre en œuvre !

Ecotopia est très habilement construit, le récit alternant le journal intime du personnage principal - ce journaliste de la côte Est découvrant peu à peu la civilisation ecotopiste - avec les articles écrits par le même personnage pour son journal.

On suit la "conversion" progressive du narrateur aux bienfaits de la révolution sociale et économique qu'il observe, Callenbach lui faisant jouer le rôle de naïf. Même si cette conversion était tout à fait prévisible, l'auteur ne tombe jamais dans le piège de la démonstration facile, n'hésitant pas à mettre en avant les incohérences, anomalies ou erreurs de ce nouveau modèle.

La seule limite de ce roman qui devrait être pour vous - comme cela a été le cas pour moi - une source féconde de réflexion sur notre civilisation actuelle, correspond aux "scories" de l'esprit soixante huitard qui parasite un peu le discours.

Je pense notamment à l'esprit rousseauiste de retour à la nature (traduit par les combats rituels de  la population masculine), mais surtout aux (trop) longs développements sur une révolution sexuelle qui sonne, cinquante ans plus tard, bien dépassée.

Ecotopia ? A lire absolument, ne serait-ce que pour se rassurer : l'avenir de notre monde n'est pas forcement dystopique !

   

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