Les bostoniennes

Henry James

Folio

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Le pitch

Je ne connais pas d'homme qui s'intéresse honnêtement au fond de son cœur à la cause que nous voulons faire triompher. Les hommes haïssent cette cause, ils n'ont que du mépris pour elle : ils essayent de l'anéantir partout où ils la rencontrent...Le monde regorge de beaux messieurs qui seraient bien contents de vous fermer la bouche avec des baisers ! Le jour où vous deviendrez une menace pour leur égoïsme, leurs intérêts, ou leur immoralité - et je demande chaque jour au ciel, mon amie, que vous le deveniez - ce serait une fameuse victoire pour l'un d'entre eux de réussir à vous persuader qu'il vous aime. C'est alors que vous verrez ce qu'il fera de vous et à quelles extrémités son amour l'entraînera !

Henry James. Il a donne au roman américain ses lettres de noblesse. Il l'a imposé au monde. Il est le premier américain à prendre sa place, d'égal à égal, à côté des Européens, Georges Eliot, Thackeray, Galsworthy, Flaubert, Tourgueniev. Il n'appartient pas à l'Amérique, mais à la littérature.

Mon avis

Lorsque j'étais un jeune lecteur (cela fait un bon bout de temps, je dois bien l'admettre), Henry James était déjà considéré comme un auteur "terriblement" classique, d'un accès peu aisé pour les amateurs de littérature encore débutants.

Cela ne m'a pas empêché de lire alors Le tour d'écrou, sans doute son livre (une longue nouvelle fantastique) le plus connu, et de l'apprécier, même si je ne suis pas certain d'avoir alors vraiment tout saisi tout le charme de cette écriture "terriblement" classique.

Quelques (nombreuses) années plus tard, me voilà en train de terminer Les bostoniennes, une de ses œuvres les plus connues.

Depuis ma prime jeunesse, Henry James est passé de la catégorie  "terriblement" classique à celle d'"horriblement" classique.

Et si je dois dire haut et fort que l'adverbe "horriblement" est, non seulement péjoratif, mais totalement injustifié, je dois bien admettre que celui de terriblement est, pour le coup, parfaitement justifié !

Les bostoniennes, ce n'est pas moins de 700 pages serrées, un texte quasiment sans dialogue, une narration en continue, des pavés où il faut parfois attendre une demi-douzaine de pages pour changer de paragraphe.

Les bostoniennes, c'est aussi de très, très longues phrases, dix, vingt lignes, ponctuées de virgules, points-virgules, tirets d'incise, dans lesquelles le lecteur non aguerri se perdra très vite définitivement. Un conseil d'ami : n'entamez pas cette lecture sans un excellent bagage de lecteur !

Bien, ceci dit : que vaut ce roman "terriblement" classique, près de 140 ans après sa publication ?

Eh bien, deux sentiments contradictoires cohabitent dans ma petite cervelle d'amateur de littérature anglosaxonne (un terme rarement aussi juste que pour Henry James, américain de naissance et anglais d'adoption).

D'une part, une admiration sans borne pour la beauté admirable de son style.

Admirable, vous dis-je. James était un auteur de génie, tout en facilité.

Lire Les bostoniennes, c'est tout le contraire de Madame Bovary.

Pas besoin, comme Flaubert, de transpirer cinq ans pour accoucher dans la douleur de phrases soigneusement construites et aussi légères qu'un parpaing lesté de ciment ! Avec James, cela coule, fluide, spirituel...

Spirituel, voilà le second adjectif qui me vient à l'esprit, tant la plume de l'auteur transperce, déchiquète avec un esprit mordant acéré, les faiblesses et les ridicules de ses personnages et des idées qu'ils supportent !

Parfois pas loin d'être légal d' Oscar Wilde, dont il est le contemporain, Henry James est l'incarnation même de l'humour élégant anglo-saxon.

D'autre part (car il y a un autre part), Les bostoniennes pêchent par un manque de maitrise narrative : le roman est indubitablement beaucoup trop long.

Non parce qu'il fait 700 pages, mais parce que le traitement du sujet, impeccablement maitrisé, n'en demandait pas plus de 450.

Les thèmes et la palette de décors développés par James sont passionnants : la montée du féminisme aux Etats-Unis juste après la guerre de sécession, le "frottement" entre l'aristocratie de la Nouvelle-Angleterre et la bourgeoisie rentière, la peinture contrastée entre ce New-York qui monte, qui explose, et ce Boston où tout demeure.

Mais chaque scène est étirée, étirée, jusqu'au point de rupture, sans compter sur le fait que certaines d'entre elles s'avèrent redondantes. Quel dommage...

Je ne voudrais pas que vous quittiez cette critique en ayant décidé de ne pas lire Les bostoniennes, ce serait un effet contraire à celui que je souhaitais obtenir.

Roman important de l'histoire littéraire américaine, il mérite d'être découvert; mais n'hésitez pas, sans honte, à vous affranchir des passages qui vous paraissent longuet.

C'est ça, l'expérience de la lecture : ne jamais avoir honte de lire ce qu'il vous plait, et pas plus. La lecture ne doit pas jamais, jamais être une obligation, et rester, toujours, toujours, un plaisir...

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