Mémoires de guerre
Editions Taillandier
Mémoires de guerre
Editions Taillandier
Le pitch
"Nous sommes tous des vers disait modestement Winston Churchill, "mais je crois que moi, je suis un ver luisant ! "
Ses multiples actions d'éclat, immortalisées par une oeuvre littéraire étincelante, expliquent clairement pourquoi il n'a pas fini de luire. A-t-on déjà vu un homme doté d'un si beau style relater de si grands événements après avoir occupé de si hautes fonctions ? Voici donc le second tome de ses Mémoires de guerre, une épopée narrée comme un conte, avec une documentation surabondante, d'admirables phrases cadencées, un humour omniprésent et des excursions aux quatre coins d'un monde en guerre. Une œuvre littéraire, au sens le plus noble du mot.
Mon avis
Lorsqu'on a rassemblé suffisamment de courage pour entamer la lecture des deux énormes volumes (plus de 1 600 pages d'une grande densité !) qui composent la dernière édition, aux éditions Taillandier, des mémoires de guerre (la seconde) de Winston Churchill, impossible de ne pas faire la parallèle avec les Mémoires de guerre de Charles de Gaulle...
Et pourtant, à la lecture de ces deux monuments de la littérature du XX° siècle, il faut bien constater que presque tout les sépare, à l'exception du sujet, ainsi que la volonté identique des deux hommes d'état de combattre, coûte que coûte, le mal pour sauver leur patrie, une notion qu'ils appréhendent d'une manière quasiment identique.
Les mémoires de de Gaulle frappaient par leur qualité littéraire, absolument étonnante. Un style classique, mais flamboyant dans la construction de ses phrases. Une entreprise d'écriture éminemment solitaire.
Chez Churchill, le résultat est le fruit d'un travail en équipe : une équipe de documentalistes rassemblaient les éléments et informations destinées à constituer la "chair" du texte, des secrétaires assistants effectuaient une première mise en forme du texte, et c'est alors que Churchill intervenait pour "mettre sa patte" : réécriture formelle (quel sens de la narration !) et factuelle (anecdotes). *
Les mémoires de de Gaulle sont celles d'un homme qui a orienté le destin d'un pays, sans jamais avoir le pouvoir, ni la direction d'une armée (paradoxe ultime, puisqu'il était le seul vrai militaire parmi les chefs d'état alliés !). L'analyse forme l'essentiel de l'œuvre.
Celles de Churchill sont celles d'un homme au pouvoir d'un grand pays et qui se targuait, de surcroit, de "diriger la manœuvre" et d'impulser la stratégie des armées. L'essentiel du récit est donc constitué de faits, de récits opérationnels, quasiment au jour le jour.
Quoiqu'il en soit, malgré ces différences fondamentales, cela n'empêche pas les deux œuvres d'être aussi formidables, étonnantes, inoubliables, l'une que l'autre.
Le lecteur ne pourra s'empêcher de rire en découvrant à quel degré les deux hommes se détestaient, au point que de Gaulle ne parle de Churchill que quand c'est nécessaire pour la compréhension de l'histoire, et que Churchill parvient à exclure quasiment totalement de Gaulle du récit de SA seconde guerre mondiale !
Critique du second tome, de 1941 à 1945
Nous avons laissé le monde en guerre, alors que le conflit est sur le point de basculer.
Les 950 pages du second tome vont nous mener vers la victoire des alliés, mais il reste début 1941 quatre longues années de guerre, dans un conflit qui va, dans un premier temps, gagner encore en ampleur et en désastres.
Autant le dire tout de suite : ce second volume est un peu moins accompli que le second.
La raison principale, essentielle, en est que Churchill, chef de guerre, s'oublie en peu, beaucoup, dans le récit des grandes manœuvres opérationnelles qui vont, notamment, agiter le bassin méditerranéen (et notamment l'Afrique du Nord) pendant plus de deux ans.
Churchill s'est très longuement impliqué dans ces manœuvres, au point de se rendre sur le terrain des opérations à de multiples reprises.
Le lecteur découvre avec stupéfaction à quel point le vieil homme (il a alors près de 70 ans) s'implique dans la marche de la guerre, au point de risquer sa vie de manière inconsidérée en multipliant les voyages en avion, sillonnant le monde !
Cet engouement personnel le pousse, lors de la rédaction des mémoires, à entrer parfois très (trop) longuement dans le détail des opérations, au point que le lecteur, même féru de l'histoire de la période, fini par se lasser.
Je n'hésiterai pas à dire que l'auteur aurait pu retrancher 150 à 200 pages s'en rien enlever à la qualité de son récit...
A côté de cela, certains passages sont absolument passionnants, notamment les chapitres où Churchill rencontre (à plusieurs reprises) Roosevelt aux Etats-Unis, puis en Afrique, mais aussi Staline, en Europe centrale; avant de rencontrer les deux hommes, ensemble, bien entendu, à Yalta.
Le récit de la guerre dans le Pacifique, très synthétique, est également passionnant.
Par contre, j'ai été très étonné de la manière très cavalière dont il traite le débarquement en Normandie (l'opération Overlord), omettant quasiment tous les détails des opérations et s'affranchissant d'un véritable hommage aux combattants...
Dernier point important : il fat saluer l'apport essentiel de François Kersaudy dans la conception de cet édition.
Comme un petit lutin savant, le grand spécialiste français de la période, et plus particulièrement de Churchill (il faut absolument lire sa biographie du grand homme, un chef-d'œuvre !) intervient sans cesse (et encore plus dans le second volume) en contrepoint du récit.
Par des renvois et annotations en bas de page, il se permet de recadrer aimablement - et avec beaucoup d'humour ! - les exagérations, non-dits et euphémismes de Winston Churchill qui, on le comprend vite, aime bien se donner le beau rôle, même quand il s'est parfois trompé (personne n'est parfait !).
Lire les Mémoires de guerre de Churchill : un devoir pour le passé... et pour le futur !
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