Le chant des plaines

Kent Haruf

Robert Laffont

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Le pitch

Kent Haruf nous entraîne au coeur de cette Amérique profonde que l'on ne connaît pas assez. Nous sommes dans un bled perdu du Colorado : dans le bruissement des éoliennes et le piétinement des troupeaux, des destins se croisent. Une lycéenne demi-indienne de dix-sept ans, enceinte d'un garçon parti sans laisser d'adresse, est jetée à la rue par sa mère. Un prof du lycée du coin tente de s'en sortir avec deux gamins sur les bras après la fuite de sa femme dépressive. Ce petit monde se retrouve bientôt dans la ferme des McPheron, deux vieux célibataires aux mains calleuses mais au coeur en or.

Dans l'attention minutieuse qu'il porte à ses personnages et à leur vie quotidienne, Haruf, tout en émotion contenue, n'est pas sans faire songer au grand Richard Yates. On n'oubliera pas de sitôt la poussière soulevée par les vieux pick-up sillonnant les grandes plaines.

Mon avis

Avec Kent Haruf, j'ai pris le chemin à l'envers : j'ai commencé par la fin.

Avec Nos âmes, la nuit, son dernier roman publié juste avant sa mort, j'ai découvert il y a quelques années un roman d'une subtilité, d'une sensibilité étourdissantes. L'histoire de deux êtres qui, aux portes de la mort, vont vivre leur dernier amour.

Rarement j'aurais eu l'occasion, dans ma longue carrière de lecteur, de glisser ainsi sur un texte aussi limpide que l'eau d'un torrent au printemps, charriant autant d'émotions retenues.

Avec Le chant des plaines, un roman du début de sa carrière (tardive) d'auteur qui reçut un accueil formidable à sa sortie, me voilà de retour dans l'univers de ce grand romancier qui vécut l'essentiel de sa vie dans les états du centre (Colorado, Iowa) de l'immense pays qu'est les Etats-Unis.

J'y ai retrouvé exactement les mêmes qualités que dans Nos âmes, la nuit.

Ce qui fait avant tout la valeur des récits de Kent Haruf, c'est son style, dépouillé à l'extrême.

L'auteur incorpore dans la narration - toujours un récitant extérieur, au ton impersonnel -  de manière totalement fascinante, les dialogues, sans incise, sans guillemets, des phrases de dialogues qui ont la douceur de la sagesse.

Les 430 pages du roman déroulent avec une subtilité infinie la vie de quelques personnages confrontés aux difficultés de la jeunesse, de la solitude, du manque d'amour, de la vieillesse.

Jamais la moindre once de misérabilisme dans le traitement de ces solitudes, au contraire !

Pour chaque personnage, l'auteur dispense à chaque fois un peu de sa philosophie de vie qui consiste en quelque chose de très simple : pour chaque personne, il y a une possibilité de bonheur, pour autant qu'elle soit dispensée grâce à l'attention et la générosité d'une autre personne.

Être heureux, lutter contre le destin : c'est possible, si l'on s'entraide avec sincérité.

Dans Le chant des plaines, il y a de surcroit deux personnages extraordinaires, les deux frères McPheron.

Je ne vous en dirais pas plus, mais je dois vous avouer que, durant toute la dernière partie du livre, j'ai senti mes larmes couler doucement.

Non pas des larmes de tristesse : juste des larmes d'émotion. Et je peux vous certifier que cela ne m'est pas arrivé souvent dans ma vie de lecteur compulsif !

Ce roman a eu une suite, Les gens de Holt County, écrit deux ans plus tard, où l'auteur poursuit la trajectoire de ses personnages.

J'attends avec impatience de le lire mais j'ai, d'ores et déjà, placé Le chant des plaines dans ma bibliothèque idéale.

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