Les naufragés du Wager

David Grann

Editions du sous-sol

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Le pitch

En 1740, le vaisseau de ligne de Sa Majesté le HMS Wager, deux cent cinquante officiers et hommes d’équipage à son bord, est envoyé au sein d’une escouade sous le commandement du commodore Anson en mission secrète pour piller les cargaisons d’un galion de l’Empire espagnol. Après avoir franchi le cap Horn, le Wager fait naufrage.

Une poignée de malheureux survit sur une île désolée au large de la Patagonie. Le chaos et les morts s’empilant, et face à la quasi-absence de ressources vitales, aux conditions hostiles, certains se résolvent au cannibalisme, des mutineries éclatent, le capitaine commet un meurtre devant témoins. Trois groupes s’affrontent quant à la stratégie à adopter pour s’en échapper. Alors que tout le monde croyait que l’intégralité de l’équipage du Wager avait disparu, un premier groupe de vingt-neuf survivants réapparaît au Brésil deux cent quatre-vingt-trois jours après la catastrophe maritime. Puis ce sont trois rescapés de plus qui atteignent le Brésil trois mois et demi plus tard. Mais une fois rentrés en terres anglicanes, commence alors une autre guerre, des récits cette fois, afin de sauver son honneur et sa vie face à l’Amirauté et au grand public.

Mon avis

David Grann a conquis ses dernières années une notoriété mondiale, principalement (mais pas exclusivement) avec, en 2018, son livre La note américaine, dont le titre original (bien meilleur) Killers of the flower moon est devenu célèbre grâce à l'adaptation qu'en a fait Martin Scorsese en 2023 au cinéma.

Dans ma critique de ce livre (que je vous invite à consulter par ailleurs sur le site), je rappelais que l'auteur n'était pas un romancier, mais un journaliste, et que La note américaine n'était pas, malgré les apparences, un roman, mais le fruit d'une enquête présenté sous forme romancée.

J'avançais même l'idée que l'auteur était, en quelque sorte, un digne héritier de Truman Capote, un des inventeurs du nouveau journalisme.

Tout ceci pour expliquer le contexte dans lequel est sorti Les naufragés du Wager, porté par une réputation bien établie et bien méritée : Grann est un excellent journaliste.

A sa publication, tout de suite d'excellentes critiques, les lecteurs mentionnant le côté sensationnel de cette incroyable histoire, 100 % véridique, d'un bateau victime des tempêtes lors du passage du Cap Horn, en 1740, son équipage luttant pendant des mois et des mois pour survivre.

J'ai donc entamé sa lecture avec enthousiasme, mais mon excitation initiale - constante durant les cent premières pages de l'essai - n'a cessé ensuite de décroitre, pour se dégonfler finalement au point que j'ai parcouru les derniers chapitres un peu en diagonale.

D'où vient ce désenchantement ? Trois raisons principales :

La première, c'est que, contrairement à La note américaine porté par un suspens digne d'un roman policier, Les naufragés du Wager n'est pas un "roman fictionnel" à suspens, mais juste un reportage historique. Ici, point de mise en scène fictionnelle, point de dialogues : juste un récit.

Et ce récit, passionnant tant que l'auteur raconte le contexte de l'expédition et la lutte des marins pour lutter contre la mer et les tempêtes, sombre peu à peu ensuite dans une chronique linéaire et répétitive, exagérément détaillée, des malheurs auxquels les naufragés sont confrontés.

On peut d'ailleurs se poser la question de savoir pourquoi l'éditeur, dans un pitch interminable, casse la moindre velléité de suspens en racontant la totalité de l'histoire !

La seconde, c'est que ce récit de mer et de survie n'est pas le plus passionnant du monde, il y manque une bonne d'empathie et d'émotion. Deux contre exemples.

Vous cherchez un récit de mer décrivant la vie quotidienne des marins et  entre autres - la lutte contre les éléments ? Précipitez-vous sur Deux années sur le gaillard d’avant, l'incroyable livre de mémoires de Richard Henry Dana, vous en apprendrez dix fois plus !

Vous cherchez un livre de survie après un naufrage ? Sautez sans hésiter sur Endurance de Alfred Lansing, l'hallucinant récit du naufrage de l'expédition Shackelton, en Antarctique.

Voilà deux récits historiques maritimes exceptionnels !

La troisième, c'est que j'ai été extrêmement déçu du travail apporté à l'iconographie du livre.

J'ai compté 14 illustrations "pleine page" placées tout au long du récit. Les reproductions de tableaux, de dessins, ou de photos contemporaines sont toutes en noir et blanc et de très mauvaise qualité en terme d'impression, au point que certaines sont presque illisibles.

Mais surtout, j'ai cherché à plusieurs reprises, au cours de ma lecture, une carte représentant le trajet du bateau, de l'expédition, et des survivants.

Il n'y en a aucune ! Incroyable mais vrai : j'ai été obligé de faire des recherches sur Internet pour trouver - sans trop de difficulté - une carte de l'expédition.

Où se vérifie ici l'adage : la déception est à la hauteur de l'attente.

NB : visiblement, mon avis n'est pas partagé par tous les lecteurs, professionnels ou non. Alors, pourquoi ne pas tenter votre chance ? La lecture est, par essence, une activité soumise à la subjectivité.

 

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