Nulle part sur la terre

Michael Farris Smith

Sonatine / 10/18

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Le pitch

Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n'a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.

Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d'arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C'est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l'attendent depuis des années.

Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu'à un fil.

Mon avis

Nulle part sur la Terre, c'est le nouveau roman de Michael Farris Smith, que j'ai eu la chance de découvrir en 2015 avec le très impressionnant Une pluie sans fin, un récit post apocalyptique si réussi que certains n'ont pas hésité, alors, à le comparer au Cormac McCarthy de La route.

Une comparaison sans doute un peu excessive, mais pas sans fondement puisqu'on retrouve chez les deux hommes un style assez comparable, sec, précis, dépourvu de graisse narrative, et une vision bien noire de l'Amérique moderne.

Avec Nulle part sur la Terre, Farris Smith allait-il tenir le choc du "roman d'après", celui d'après la découverte et le succès ?

La réponse est pour une fois positive. Quel joie de voir un jeune auteur confirmer et s'imposer comme un futur grand !

La chance - et le talent - de Farris Smith, c'est de savoir rester modeste.

Modeste dans l'ambition de son roman, qui n'est que le récit de deux destins marqués par le fatum et destinés à se croiser et recroiser dans l'exigence pour unir -ou pas - leur trajectoire.

Modeste dans le scénario : Nulle part sur la Terre est un des récits les plus simples et les plus efficaces que j'ai eu le plaisir de lire ces derniers temps.

Deux ou trois points de vue, un narrateur qui bouge son angle de vue comme un réalisateur déplace sa caméra d'un acteur à l'autre et laisse tourner pour voir ce qu'il va se passer.

Farris Smith ne sort jamais son histoire du cadre de la crédibilité : le lecteur n'est pas loin de suivre un documentaire... ou du moins c'est ce que que l'auteur parvient à lui procurer comme illusion.

Modeste - en apparence ! - dans le choix du style qui - à l'instar de son roman précédent - reste d'une sobriété exemplaire.

Pourquoi mettre des grands mots et des adverbes partout, quand on est capable, comme Farris Smith,  de traduire les ambiances et les émotions avec tant de simplicité et d'efficacité ?

Nulle part sur la Terre, c'est l'exemple même de ce que peut être la littérature américaine quand elle arrive à s'affranchir des dérives extravagantes et malsaines des écoles d'écriture.

Entre polar rural et western moderne, ce roman ne cède jamais à la facilité et reste, jusqu'à sa dernière page, passionnant et satisfaisant.

Satisfaisant ? C'est une drôle façon de qualifier un roman, mais oui, Nulle part sur la Terre est une oeuvre satisfaisante : on en sort rasséréné car, loin d'être sur e fond un récit aussi noir qu'Une pluie sans fin, il est porteur d'une certaine foi dans l'humanité.

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