Ainsi passe la gloire du monde

Robert Goolrick

10/18

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Le pitch

Ancien prince de Wall Street, Rooney, double de Robert Goolrick, se retrouve à 70 ans seul et ruiné, avec pour seule compagnie quelques souvenirs de joie, sa colère dévorante contre une Amérique malade présidée par un dangereux clown, qu’il a connu autrefois, et une question obsédante : quand on fait l'amour pour la dernière fois, sait-on que c'est la dernière ?

À l'occasion de funérailles, il convoque les fantômes du passé et part à la recherche des quelques fidèles qu'il connaît encore, témoins d'une autre vie, d'une autre Amérique.

Mon avis

Cela fait un moment que je parle, sur ce site, de Robert Goolrick.

Auteur américain contemporain à la carrière tardive (né en 1949, il ne publie son premier roman, Une femme simple et honnête, qu'à l'aube de la soixantaine, en 2009), il a produit depuis quelques unes des œuvres les plus marquantes de la dernière décennie.

Goolrick est un auteur qui travaille "sur deux jambes".

La première, c'est la jambe romanesque, avec des récits au style très classique et à la forme un brin baroque, sur des toiles de fond historique. Des récits bourrés de qualité, mis ce n'est pas là que Goolrick est le meilleur.

La seconde, c'est la veine autobiographique. Trois livres, trois grandes œuvres.

Un récit tournant autour de son enfance, Féroces, livre terrible, d'une beauté glaçante absolument terrifiante.

Un récit peignant ses années de gloire, puis de déchéance, La chute des princes. Trader à Wall Street, Goolrick brûle la vie par les deux bouts. Entre Le loup de Wall Street et American Psycho, cette autofiction est bluffante de maitrise littéraire.

Et le petit dernier donc, Ainsi passe la gloire du monde (titre original : Prisoner), probablement le dernier de la série puisque l'auteur y raconte (fantasme) ce qu'est, ce que pourrait être la fin de sa vie.

Ainsi passe est un récit tout aussi frappant, fragile, magnifique, effrayant et désespéré que les deux premiers, puisque ce n'est qu'une sorte de synthèse de sa vie, bourrée de traumatismes, d'excès, sur laquelle il a appliqué le traumatisme ultime de la déchéance de l'Amérique, son Amérique, devenue celle de Trump.

Tout autant qu'un livre sur lui-même, Ainsi passe est un manifeste violent, obsessionnel (un peu trop d'ailleurs, à mon goût, même s'il est justifié !) contre le pire président des Etats-Unis de l'histoire.

Goolrick développe une charge répétitive - dans un récit écrit d'abord et avant tout pour une publication en France, pays qui fascine l'auteur - contre l'homme aux cheveux orange, multipliant les incantations autour de son nom.

C'est sans doute la partie la moins importante et intéressante du roman, ne serait-ce que parce que cette charge est condamnée, dès sa publication, à ancrer l'œuvre dans une chronologie trop précise, ce qui n'est jamais souhaitable pour un récit de ce type.

Mais à côté de cela, il y a ces magnifiques pages sur la vieillesse, le recul, l'isolement, la solitude, le remord et les regrets, les bouffées de souvenirs et ces délires sur son enfance, sa vie de trader millionnaire.

Un soliloque un peu déroutant sur les cinquante premières pages, mais qui prend de l'ampleur tout au long du livre pour s'achever d'une manière magnifique.

Robert Goolrick est un grand écrivain. Il faut le lire tant qu'il est encore en vie !

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