Combien ?
Combien ?
Le pitch
Quand il entame la rédaction de Combien ? Douglas Kennedy a trente-cinq ans, pas un sou en poche et serait bien incapable de discuter actions ou investissements. Mais s'il n'est pas un as de la finance, Kennedy est le plus fin des observateurs. Car après tout, écrire sur l'argent, n'est-ce pas écrire sur la condition humaine ?
Et notre explorateur des âmes d'entamer un périple dans les grands bastions de l'argent : New York, Singapour, Londres. Mais aussi les nouvelles places émergentes : la Bourse de Casablanca, sorte d'annexe du souk ; Sydney et ses salles de marché à la Star Trek ; et la toute jeune Bourse de Budapest qui passe brutalement du communisme à l'économie de marché. Autant de rencontres, cocasses ou désabusées, pour une comédie humaine passionnante autour du rôle central qu'occupe l'argent dans nos vies. Car aujourd'hui plus que jamais, en avoir ou pas, là est la question...
Mon avis
Comme vous le savez peut-être, avant d'être un auteur à succès, vendant des millions de romans d'excellente qualité (même si son inspiration m'a semblé faiblir ces dernières années), Douglas Kennedy était un journaliste qui bourlinguait beaucoup, transformant certains de ses articles en essai à thème.
Après avoir effectué un long road trip dans le deep south américain, son pays d'origine, il avait ainsi publié Au pays de Dieu, un formidable récit sur cette "ceinture de la bible", pour comprendre la vie de ces américains pour qui Dieu est tout, ou presque.
Avec Combien ?, Kennedy s'attaquait, en 1992, à un tout autre sujet que la religion.
Cinq ans après la terrible crise financière de 1987, la plus importante depuis celle de 1929, il avait décidé d'effectuer un vaste reportage autour du monde pour rencontrer "les hommes de l'argent", le monde de la Finance.
Objectif ? Comprendre la motivation de ces hommes et de ces femmes travaillant sur les marchés financiers (actions, obligations, matières premières) et qui sacrifient littéralement leur vie personnelle pour gagner beaucoup, plus, encore plus.
En fait, l'auteur pose une question passionnante : l'argent est-il un moteur, une motivation, une ambition, ou plus simplement, pour certains, juste une fin en soi ?
Une fois que l'on gagne 100 000 $ par an, qu'est-ce qui pousse le trader a en gagner 200 000 ? Puis 500 000 ? Puis 1 million de dollars ?
Sachant que, tôt ou tard, le petit monde des marchés financiers expulsera le trader comme un élément exogène, tout simplement parce qu'il n'est plus le meilleur, le plus efficace, le plus rentable ?...
Après une première étape à New York (la plus longue et la plus passionnante du livre), Douglas Kennedy a donc pris son passeport et a entamé un tour du monde symbolique, sautant du Maroc à l'Australie, en passant par Singapour, avant de se diriger vers la Hongrie post-communiste, et de terminer à Londres.
A chaque étape, une ambiance, une culture, un rapport à l'argent différent. Mais à chaque fois, une impression de malaise. Comment peut-on parvenir au stade où gagner de l'argent est une fin en soi; être riche, provisoirement, juste pour être riche, sans pour autant être heureux ?
L'exploration de ce sujet peu souvent abordé est très intéressante car la réponse n'est pas toujours celle à laquelle le lecteur s'attend. Et comme toujours, Douglas Kennedy met au service de son sujet une plume diablement élégante et efficace.
Les limites de l'essai ? D'une part, un léger manque de "liant" entre les chapitres, qui empêchent la série d'articles de devenir vraiment un ensemble homogène.
Et d'autre part, le fait que trente années se sont écoulées depuis la sortie du livre, avec leur terrible cortège d'évolutions technologiques et de crises financières mondiales, rendant certaines observations un peu obsolètes; mais pas tant que ça, en fait : là où on fait de l'argent, certaines règles et certains mécanismes psychologiques semblent intangibles...
Pour réfléchir sur l'argent, ce truc terrible qui fait tourner le monde, à l'endroit et à l'envers !
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