Le silence

Dennis Lehane

Gallmeister

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Le pitch

En cet été de 1974, dans la banlieue irlandaise de South Boston, Mary Pat Fennessy mène une existence routinière. Un soir, Jules, sa fille de dix-sept ans, ne rentre pas à la maison, et sa trace disparaît dans la chaleur moite de la ville. La même nuit, un jeune Noir se fait mortellement percuter par un train dans des circonstances suspectes. Ces deux événements sans lien apparent plongent les habitants de Southie dans le trouble. D'autant que la récente politique de déségrégation mise en oeuvre par la ville provoque des tensions raciales et qu'une grande manifestation se prépare.

Dans sa recherche effrénée de sa fille, Mary Pat, qui croyait appartenir à une communauté unie, voit les portes se fermer devant elle. Face à ce mur de silence, cette femme en colère devra lutter seule pour faire éclater la vérité, si dévastatrice soit-elle.

Mon avis

Lorsque Le silence de Dennis Lehane est sorti, début 2023, nombreux ont été les lecteurs (j'en fait partie) à se demander si ce roman était, enfin, le retour du grand auteur sur la scène du succès.

Car il faut bien dire que le père de tant de petits bijoux, comme la série des Kenzie & Gennaro, de Mystic river ou Shutter island, avait perdu l'inspiration depuis bien longtemps.

Quinze ans, tout compte fait, depuis  le génial Un pays à l'aube, publié en 2008, avec carrément un grand trou noir depuis 2015.

Alors, Le silence (traduction bizarre du titre original Small mercies) ?

Eh bien, j'en suis sorti un brin dubitatif. Car si le roman est indubitablement très largement supérieur aux dernières œuvres de l'écrivain américain, on est encore loin des textes de sa grand période.

Le roman se passe, comme très souvent chez Lehane, dans sa bonne ville de Boston.

Difficile de s'y retrouver d'ailleurs, parfois, tant les références aux différents quartiers de la mégalopole sont nombreuses et auraient mérité une carte pour mieux se situer (la topographie joue un rôle important dans l'histoire)

Toile de fond habituelle, donc, mais avec une plongée un demi-siècle en arrière, en plein dans les 70's.

Comme souvent chez Dennis Lehane, c'est le croisement du destin d'un personnage innocent avec une entreprise criminelle qui va constituer la matière, la pâte du scénario.

Ici, le personnage est une femme, la petite Mary Pat, petite mais terriblement solide, tough dirait les anglo-saxons.

Par sa faute (finira-t-elle par penser), sa grande fille va mourir, embringuée dans une histoire de clan et surtout de racisme. Traumatisée, elle va entreprendre de comprendre, puis de se venger.

Mary Pat, c'est la plus grand réussite du roman. Les personnages féminins aussi originaux sont rares dans la littérature, et sa capacité à se battre toute seule contre un clan de maffieux est formidablement mise en scène par Lehane. Mary-Pat est surprenante, touchante, impressionnante. Elle porte le roman sur ses épaules, pas si frêles que ça.

Le reste du récit et les autres personnages (beaucoup de gros méchants) n'est, finalement, qu'assez simple, un peu trop simple pour convaincre vraiment.

Reste la toile de fond historique. Cette Boston où règne alors un racisme absolu, je ne la connaissais pas.

Elle est si contrastée, si extrême (pire que dans de nombreux états du sud profond), que j'ai eu du mal à y croire.

J'imagine que Dennis Lehane s'appuie - comme il le fait toujours - sur une documentation exacte, mais cela aurait mérité au moins une postface pour resituer les faits évoqués (un peu comme, semble-t-il me rappeler, avec les évènements racontés dans Un pays à l'aube).

Personnage central étonnant, toile de fond bizarre, scénario prévisible et un poil trop linéaire : le bilan est un peu mitigé. Reste la vista narrative de l'auteur, intacte.

Allez tenter votre chance : Le silence est un bon livre mais - je l'espère - pas l'œuvre finale d'un grand auteur.

 

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