Le chant du prophète
Albin Michel
Le chant du prophète
Albin Michel
Le pitch
À Dublin, un soir de pluie, deux hommes frappent à la porte d'Eilish Stack. Membres d'une toute nouvelle police secrète - le GNSB -, ils demandent à s'entretenir avec son mari, enseignant et syndicaliste, mais celui-ci est absent. Larry se rend au commissariat dès le lendemain, puis disparaît dans des circonstances troublantes.
Tandis que le malaise s'installe peu à peu, Eilish voit son quotidien et celui de ses quatre enfants amputés d'une liberté qu'elle tenait pour acquise. Bientôt l'état d'urgence est déclaré, les rumeurs parlent de camps d'internement...
Prisonnière d'une logique cauchemardesque, jusqu'où devra aller Eilish pour protéger les siens ?
Mon avis
Attention, attention, amie lectrice, ami lecteur, faites attention : ce roman est, selon mes propres critères (éminemment personnel et discutable, bien entendu) parfaitement illisible. Dans le sens littéral du terme : impossible à lire.
Un roman ayant reçu le Booker prize, illisible ? Je vous laisse en juger :
282 pages au compteur, en neuf chapitres.
Dans chaque chapitre, quelques paragraphes massifs qui sont autant d'épais blocs de texte, des pavés, sans marque des dialogues, sans tiret, sans guillemet, sans aucun retour à la ligne.
Chaque paragraphe (parfois plus de dix pages d'un seul tenant) consiste en une succession de phrases de narration et de dialogues, toutes étant accolées.
Entre ses phrases et ses dialogues, des points, parfois, mais aussi parfois simplement des virgules.
A vous de démêler le tout. Comprendre si on rate, ou si quelqu'un parle; et qui parle. Bonne chance.
C'est illisible, et pourtant j'ai lu 50 pages, pour voir, pour trouver une explication.
J'ai fini surtout par comprendre - en découvrant que le texte original en anglais procède de la même façon - que l'auteur a voulu ce déroulé narratif.
Sans doute, un peu, pour marquer le sentiment d'oppression qu'est déjà sensé rendre son récit d'une dictature qui s'installe.
Mais aussi, beaucoup, je pense, parce que cela "fait style". C'est chic, à la mode de manipuler les phrases ainsi.
Car ce n'est pas le premier roman contemporain à user de ces figures de style. Pas de point, pas de ponctuation.
[NB : dans le genre, je vous (dé)conseille le pire du pire, le monstrueux pavé de Lucy Ellman, Les lionnes, publié en 2020, 1152 pages sans point, sans dialogues, et un récitatif ininterrompu consistant à commencer chaque membre de phrase par "le fait que"].
Mais ces afféteries stylistiques semblent bien ridicules et dépassées, lorsqu'on se rappelle que le nouveau roman français, il y a plus d'un demi-siècle, avait déjà exploré ce terrain de long en large (Philippe Sollers, Georges Perec, entre autres).
Au delà de la forme, j'avoue que ce récit sur la mise en place d'une dictature et de l'impact que cela a sur les populations innocentes m'a paru, lui aussi, peu novateur.
Et je conseille aux amateurs de dystopies de ce style de consulter sur le site mon article sur les grands romans du genre, il y en a d'admirables (dernier lu : Vox, de Christina Dalcher).
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